À propos de cette édition

Éditeur
A. Filiatreault
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Canada-Revue, vol. III, n˚ 2
Pagination
24-26
Lieu
Montréal
Année de parution
1892

Résumé/Sommaire

L’auteur est témoin d’un récit que le curé de Saint-Ferdinand, l’abbé Bouchard, fait à l’abbé Thomas Caron, directeur du collège où il étudie. Le brave prêtre raconte les événements incroyables qui se sont produits dans la maison des Bernier et qu’il a pu constater de ses propres yeux : ustensiles qui volent à travers la pièce, pommes de terre qui remontent de la cave, etc. On soupçonne un mendiant, mécontent de l’hospitalité offerte par la famille Bernier, des gens miséreux, d’avoir jeté un sort à la maison pour se venger. L’auteur apprendra quelque temps plus tard que la malédiction fut rompue le jour où le fils Bernier taillada avec un couteau un moyeu de roue qui s’était attaqué au poêle de l’habitation. Le même jour, un mendiant s’était présenté chez un médecin des environs pour y faire soigner des estafilades au dos…

Commentaires

Dès la première ligne du conte de Fréchette, on sent un ton nouveau, moderne : « C’était en 1858. J’étudiais plus ou moins au collège de Nicolet. » Il est rare que le temps soit ainsi précisé avec exactitude, les narrateurs ou conteurs préférant situer l’événement dans un passé lointain ou indéterminé. De plus, la mise en place du récit qui va suivre est soigneusement préparée par l’auteur lui-même qui consent à livrer quelques souvenirs de sa vie de collégien.

Il est très sympathique de voir ainsi Louis Fréchette adopter le ton du récit autobiographique. Une telle simplicité et un si grand naturel confèrent à la suite du propos, le récit de l’abbé Bouchard, une efficacité et une crédibilité étonnantes.

Il y a tout un monde qui sépare ce conte de ceux de Jos Violon, écart imputable à la personnalité et à la culture du conteur. Réédité en 1896 sous le titre « La Maison hantée », « Le Sorcier de Saint-Ferdinand » est un texte littéraire à l’écriture très soignée qui trouve sa justification formelle dans le fait que le narrateur est un curé, donc un représentant de l’élite. Dans les contes de Jos Violon, Fréchette fait populiste en empruntant la langue pittoresque de ce conteur populaire qui fut en son temps un habitué des chantiers. Or, il faut bien reconnaître qu’il est aussi à l’aise dans un style que dans l’autre, ce qui lui assure une certaine supériorité sur ses contemporains et le classe dans une catégorie à part.

L’histoire de cette maison hantée n’a rien de bien original mais plusieurs éléments rehaussent singulièrement l’intérêt : la précision de l’écriture, l’attachante et imposante présence de l’auteur et la finesse de certaines allusions. On trouve un bel exemple de la suavité de l’auteur quand il demande à son directeur, l’abbé Caron, ce qu’il pense du récit de son collègue : « Peuh ! […] ; il y a une jeune fille dans la maison, cela pourrait bien tout expliquer. » Fréchette enchaîne avec un commentaire qui prouve qu’il est un homme cultivé, sa curiosité intellectuelle le portant à s’intéresser aux débuts de la psychanalyse : « Avait-il un pressentiment des futures découvertes de Charcot relatives aux phénomènes de l’hystérie ? »

Cette tentative d’explication, que l’auteur se borne à suggérer timidement dans le seul but d’insinuer un doute pernicieux, en faisant appel aux sciences humaines (Charcot est, par ses travaux, un précurseur de Freud), marque une contestation discrète des croyances et superstitions qui foisonnent dans la culture populaire. Mais on verra, dans la littérature contemporaine, que les sciences humaines ne peuvent tout expliquer et que le fantastique a trouvé d’autres voies d’expression. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 91-92.