À propos de cette édition

Éditeur
Requiem
Genre
Fantastique
Longueur
Courte nouvelle
Paru dans
Requiem 1
Pagination
10
Lieu
Longueuil
Année de parution
1974
Support
Papier

Commentaires

William Friedkin, réalisateur du film L’Exorciste, raconte dans son journal que sa fille Jane a joué dans le film, mais qu’il a attendu ses dix-neuf ans avant de le lui montrer étant donné la nature du film. L’attitude de la jeune fille en est transformée dans les semaines qui suivent. Un soir, inquiété par d’intenses bruits dans la chambre de sa fille, William s’y rend et découvre tous les objets de la pièce en mouvement autour de sa fille, endormie dans son lit, moment où le journal prend fin brusquement. On apprend alors que les corps de William, de sa femme et d’un ami ont été retrouvés, mais que Jane est toujours portée disparue et dangereuse.

Références

La nouvelle fantastique de Rodrigue est certes intrigante et laisse place à plusieurs questions chez le lecteur. C’est une projection dans le futur de l’impact d’un film d’horreur sur la psyché d’une jeune actrice. Écrite en 1974, la nouvelle présage du destin du réalisateur, de sa femme et de leur ami en 1984. Elle prend la forme d’un extrait du journal personnel de William Friedkin, réalisateur de L’Exorciste, publié dans le Times. Une note de la rédaction situe les personnes mentionnées et souligne que Jane est apparue dans le film sous le pseudonyme de Linda Blair. Évidemment, la vraie Linda Blair n’était pas la fille de William Friedkin, la nouvelle joue donc sur les faits entourant le film, tout en ayant une chute dans laquelle la fiction dépasse la réalité, puisque la jeune fille reproduit le film dans sa vie, consciemment ou inconsciemment, le lecteur ne le sait pas.
Bien que la nouvelle ne soit pas dépourvue d’intérêt, on regrette les quelques coquilles et fautes de grammaire qui nuisent à la lecture (« ordiniaire », « commença à se manifester certains détails étranges », « la plus part des gens »), ainsi que des erreurs de continuité banales (par exemple, le film date de 1973, la nouvelle se situe en 1984, dix ans sont donc passés, mais on dit que la jeune fille a vieilli de six ou sept ans). Cela dit, la mise en abyme du film dans le récit du journal personnel, lui-même présenté en article dans un journal, ainsi que l’intertextualité avec L’Exorciste, sont les principales qualités de cette nouvelle, qui semble naïvement présager des conséquences funestes que les artisans du film subiront pour avoir mis en contact une jeune fille avec un film d’horreur.
La nouvelle s’apparente alors à un type de film d’horreur, ces « slashers » dans lesquels les personnes impures sont punies par l’antagoniste. Ici, le père, en faisant visionner le film à sa fille, corrompt sa pureté, et se trouve ainsi puni de l’avoir fait. Cela donne un aspect moralisateur à la nouvelle de Rodrigue, qui s’inspire d’une histoire culte des films d’horreur des années 1970, ce qui aboutit à un mélange intéressant de culture populaire et de cette peur du diable et de ses dérivés qui ont longtemps marqué l’imaginaire québécois. [SG]

  • Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 342-343.