À propos de cette édition

Éditeur
Alire
Titre et numéro de la collection
L'ASFFQ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Année 1997 de la science-fiction et du fantastique québécois
Pagination
227-231
Lieu
Beauport
Année de parution
1999
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dans une aérogare du Grand Nord, un médecin reçoit une étudiante venue vivre un stage auprès des populations inuites. Le dimanche suivant son arrivée, la jeune femme subira son baptême du feu lors d’une intervention d’urgence particulièrement éprouvante.

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Commentaires

Il s’en est fallu de peu que cette nouvelle échappe à l’inventaire des œuvres fantastiques car sa facture est de prime abord très réaliste. Mais par un retournement inattendu, Jean Désy ouvre une brèche dans le réel, créant un bel effet de merveilleux au cœur du réalisme.

L’histoire de Sun-Lee se déroule comme un vigoureux crescendo qui, après nous avoir menés aux limites du supportable, atterrit en douceur et en mélancolie. Une courte intro nous campe les deux personnages : Julien, médecin blagueur à la personnalité carrée et Sun-Lee, jeune Montréalaise d’origine chinoise, menue et éthérée comme une brume lacustre. Le décor : un aéroport typique du Nunavik, des vieilles femmes indigènes édentées et au dehors, les champs de neige à perte de vue et des caribous broutant le lichen.

Puis, sans prévenir, le narrateur plonge les deux personnages dans l’horreur d’une intervention médicale ; une patiente inuk enceinte a le ventre dur comme de la pierre et perd des litres de sang. Suit alors une série haletante d’événements et d’actes médicaux dont on ne nous épargne aucun détail – chez Jean Désy, le médecin n’est jamais très loin derrière l’écrivain. La femme agonise, Julien lutte avec opiniâtreté pour la sauver et la jeune Sun-Lee perd tous ses moyens, atterrée par la violence de cet accouchement qui tient de la boucherie et où la mort et les ténèbres se disputent le terrain. « Ça sentait le champ de bataille, la tranchée, l’agonie. Dans la pénombre, Sun-Lee berçait un enfant mort. » Bref, ça va mal. Mais alors que tout est perdu et que le récit nous dirige vers une désespérante et sanglante conclusion qui au passage emportera, selon toute apparence, la raison de la jeune et jolie Sun-Lee, alors qu’on n’y croit plus… l’incroyable survient.

Les puristes pourraient reprocher à ce récit de donner dans le deus ex machina, mais l’auteur joue si habilement des contrastes entre la naissance et l’agonie, entre la noirceur du tableau et la lumineuse humanité des héros, entre l’horreur de la situation et la beauté aérienne du dénouement, qu’il emporte notre adhésion. De plus, en surajoutant au dénouement une seconde conclusion en forme d’épilogue, il réussit le pari de réinstaurer le vraisemblable au sein du fantastique.

On décèle chez Jean Désy quelques maladresses, mais l’auteur fait preuve d’une générosité artistique qui procure au lecteur de très beaux moments car il a tiré de son expérience de médecin dans le Grand Nord québécois une connaissance de la toundra qu’il sait rendre avec ce mélange rare de réalisme et de lyrisme qui est la marque des écrivains de talent. À travers une somme de détails dont il émaille ses textes à la façon de touches de pinceau dans un paysage de neige, il nous fait partager le froid, la solitude et l’austère magnificence de la toundra arctique. Son implacable dureté aussi.

« Sun-Lee » est, somme toute, un dur et beau conte. [PB]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 63-64.