À propos de cette édition

Éditeur
L'Ami du peuple
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Ami du peuple, vol. III, n˚ 82
Pagination
1
Lieu
Montréal
Date de parution
02 mai 1835

Résumé/Sommaire

Un soir d’orage, alors qu’il a perdu son chemin, un jeune homme se réfugie dans une tour sur le flanc du mont Royal. Épuisé, il s’endort malgré la tourmente mais quelque chose de froid, comme une main glissant sur son corps, le réveille brusquement alors que, dans la sinistre lumière des éclairs, il aperçoit du sang sur le mur. Épouvanté, il s’enfuit dans la mauvaise direction pour arriver enfin, de l’autre côté de la montagne, près d’une petite cabane. Là, un homme refuse de l’aider mais, en apprenant qu’il a séjourné dans la tour, lui conte la triste histoire d’amour et de jalousie qui y a connu son horrible aboutissement…

Commentaires

« La Tour de Trafalgar », considéré comme le tout premier conte canadien, est aussi le premier texte de Georges Boucher de Boucherville. De fait, l’auteur n’a que vingt ans lorsque paraît le texte et, malgré certaines maladresses, il faut s’étonner de sa qualité générale.

Car Boucher de Boucherville a du talent, c’est indéniable. Sa plume est alerte et n’éprouve aucune difficulté à dépeindre des ambiances diverses, passant allégrement de la beauté paisible d’un paysage ensoleillé à la remarquable violence d’un orage nocturne. Qui plus est, l’auteur démontre qu’il connaît fort bien le genre « gothique », déjà bien implanté en Europe, notamment en Angleterre et en France. La scène principale de la première partie, qui se déroule à l’intérieur d’une sinistre tour en ruines où une présence surnaturelle et un mur couvert de sang effraient le jeune homme, alors qu’au-dehors se déchaîne la nature, pourrait prendre place dans toute bonne anthologie de littérature gothique tant l’auteur en maîtrise bien les moindres éléments.

« La Tour de Trafalgar » étant divisé en six chapitres ayant chacun un titre bien descriptif – « L’orage », « La tourelle », « La rencontre »… –, on pourra cependant noter les enchaînements difficiles qui les relient entre eux. Cette sécheresse et ce manque de souplesse se retrouvent aussi à l’intérieur du deuxième bloc de la nouvelle (les trois derniers chapitres), celui où le lecteur a droit à l’histoire du jeune inconnu qui, par jalousie, en viendra à assassiner Léocadie, celle qui l’a évincé et Joseph, l’heureux soupirant. Les relations entre les personnages et la description de leurs sentiments prenant alors plus d’importance que le décor proprement dit, on constate que l’auteur éprouve certaines difficultés à peindre l’âme humaine et ses multiples nuances sans tomber dans le cliché ou la banalité.

Quant au final – « Je m’éloignai rapidement de cet individu » –, le moins qu’on puisse dire est qu’il aurait mérité d’être plus développé, Boucherville, une fois le fin mot du drame dit, ne prenant pas la peine d’ajouter une quelconque conclusion qui serait venue balancer plus adroitement la structure générale de son texte.

Cependant, « La Tour de Trafalgar » demeure quand même une très belle réussite, tant par son pouvoir d’évocation que par la qualité de l’aventure qu’on y relate. Rares sont les écrivains qui peuvent se vanter d’avoir publié un texte aussi accompli alors qu’ils sont si jeunes, et qui peuvent dire en plus qu’ils ont ouvert la voie – et la voix ! – à tout un peuple. [JPw]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 37.

Références

  • Laflamme, Steve, Récits fantastiques québécois contemporains, p. 186-190.