À propos de cette édition

Éditeur
Requiem
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Requiem 7
Pagination
6-9
Lieu
Longueuil
Année de parution
1975
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Dans une plaine vaste et désolée, en automne, un homme marche, seul sur la route. Il marche ici entre une haie de peupliers, là en longeant une rivière, puis dans un marécage, avant de se rendre compte que ses pas l’ont mené loin, au-delà de la route, là où il n’y a plus de route, mais seulement du silence, un silence total. À l’horizon se dresse une tour sombre et trapue, vers laquelle l’homme continue à marcher malgré une angoisse grandissante. Il atteint la tour, y pénètre et emprunte un escalier qui ne monte pas mais s’enfonce plutôt dans les profondeurs. Quelque temps plus tard, l’homme ressort en courant, hurlant de terreur, fuyant le plus possible les horreurs dont il a été témoin dans la tour.
De retour chez lui, à Neubourg, il perçoit une présence désincarnée autour de lui, qui le surveille. Puis, il réalise qu’il est entouré d’êtres immatériels qui l’empêchent de quitter son domicile. Et comme dans les environs de la tour, le silence est redevenu maître des lieux.

Commentaires

Daniel Sernine livre ici la première version de cette nouvelle qui allait être rééditée avec quelques corrections dans divers recueils par la suite. Nouvelle qui explore un thème fantastique classique où règne l’ambiance au détriment des effets gore, le texte fait une grande place aux descriptions riches des lieux – plaine, route, rivière, silence – pendant un bon quart de la nouvelle, avant même que le personnage n’atteigne la tour.
Une fois cette ambiance installée, l’auteur ne passe pas beaucoup de temps à décrire les entités et les actions dont a été témoin le protagoniste au sous-sol de la tour, juste assez pour évoquer la peur ; les rites demeurent un mystère malgré ces descriptions, et non seulement l’auteur évite-t-il tout effet sanguinolent, mais il spécifie même qu’aucun sang ne coule des blessures infligées lors d’affrontements mortels en un bel exemple d’économie de moyens faciles et de subtilité narrative. Cette nouvelle rappelle également « Jalbert », publiée par l’auteur dans Requiem quelques numéros auparavant, par sa thématique d’un personnage solitaire aux prises avec un phénomène fantastique qui le laisse prisonnier et sans espoir.
En lisant cette première version des décennies après sa publication, le lecteur pourrait s’étonner du classicisme du texte du point de vue fantastique – loin ici de renouveler le genre. Mais cette lecture a posteriori offre surtout l’avantage de trouver dès ces premières nouvelles de Sernine – un auteur qui allait livrer dans les décennies suivantes une œuvre considérable – les éléments clés de cette œuvre à venir. On reconnaît ainsi la ville fictive de Neubourg, de même que l’intérêt de l’auteur à camper ses histoires dans un passé plus ou moins récent, que l’on devine par la richesse d’un vocabulaire évocateur où se croisent les landes, les hameaux, les lieues, les moellons de pierre noire et les portes bardées de clous ternis de cette tour.
Enfin, autre élément qui aurait pu échapper à une première lecture en 1975, on ne peut s’empêcher aujourd’hui de songer à La Tour sombre de Stephen King en accompagnant ce marcheur solitaire se dirigeant vers une tour noire, de même qu’on ne peut s’empêcher d’y voir une référence à La Chanson de Roland. [HM]

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Bien que l’intrigue soit intéressante, la lecture est fortement ralentie par la profusion de descriptions de lieux, ainsi que par le vocabulaire excessivement recherché. L’ensemble alourdit considérablement le texte et constitue une suite de descriptions verbeuses qu’il aurait été aisé de retirer afin de resserrer le texte. En outre, le brusque changement de narration vers la fin de la nouvelle crée une rupture dans le texte et déstabilise le lecteur.
La fin de la nouvelle n’est pas dénuée d’intérêt, bien qu’il aurait été intéressant d’en apprendre davantage sur les motivations des esprits, ainsi que sur les raisons de leur présence à l’intérieur de cette étrange tour isolée sur la lande. De plus, la mention de la ville de Neubourg rattache cette nouvelle au Cycle de Neubourg et Granverger, mais là encore, il aurait fallu développer le contexte. Malgré tout, on sent déjà le talent et la plume particulière de Sernine.
« La Tour du silence » n’est donc pas un texte mémorable, mais il demeure intéressant dans la mesure où il constitue un autre jalon dans la carrière d’un auteur prolifique à l’écriture unique. [PAB]

  • Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 366-367.