À propos de cette édition

Éditeur
Vents d'Ouest
Titre et numéro de la collection
Rafales
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
98
Lieu
Hull
Année de parution
1999
ISBN
9782895370062
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[4 FA ; 6 HG]
L'Étreinte
La Piste des rivets
Au cœur de l'ombre
Pour l'éternité
Délire chromatique
Marie en cage
Les Épaules de mon père
Le Fil d'Ariane
Gravures dans le givre
Des pierres pour les étoiles

Commentaires

La préface du directeur de la collection « Rafales », Daniel Castillo, conditionne notre lecture des nouvelles de Claude Messier, qu’on le veuille ou non. « Voici un auteur dont la voix nous atteint de plein fouet. Cloué au lit, immobilisé par une maladie qui fige son corps… » La première nouvelle de ce recueil, qui en compte dix, nous plonge au cœur de la condition des personnes handicapées. Sans fard ni romantisme, de façon clinique, Claude Messier décrit une relation sexuelle entre un homme et une femme lourdement handicapés. Pas de morale, pas d’intrigue, que la simple exposition de la condition d’un handicapé physique, comme un manifeste implicite qui revendique une sexualité à part entière pour ces êtres qui traînent leur corps comme un boulet.

Après cette entrée en matière, on se demande si l’état physique de l’auteur va se répercuter sur son imaginaire. Forcément. Plusieurs nouvelles, voire la totalité, sont imprégnées de l’expérience humaine de l’auteur. La question qu’il fallait se poser, c’était plutôt : comme le handicap de l’auteur façonne-t-il son imaginaire ? C’est la variété des moyens utilisés pour transcender sa condition et cette volonté d’échapper à sa prison corporelle par l’imaginaire qui font toute la richesse de Traversées de nuit.

Alors qu’Aude a traité abondamment les thèmes de l’enfermement dans son œuvre dans une perspective féministe, Claude Messier aborde ce même thème – et ceux de la contrainte, de l’empêchement – dans une perspective ontologique. Le rapport au corps est toujours problématique chez lui, on le comprendra. Mais Messier, tout comme Aude, utilise parfois le fantastique pour mieux affiner son propos. Affranchi du réalisme et de l’obligation de décrire soigneusement le quotidien de ses personnages, il peut alors donner libre cours à son imagination. Se lisent ainsi de façon plus nette son système de valeurs, ses désirs profonds, ses rêves, ses aspirations.

Le recueil compte quatre nouvelles fantastiques, d’intérêt inégal cependant. « Pour l’éternité » est emblématique des autres nouvelles, tant les réalistes que les fantastiques, car l’amour assure ici la rédemption du personnage. Il s’agit d’une histoire de vampires qui fait preuve d’une belle retenue, à défaut de renouveler le genre. Le personnage principal est confiné dans un fauteuil roulant depuis qu’il a reçu une rafale de mitraillette dans le dos. Après des années d’attente au cours desquelles il se languit, sa bien-aimée le rejoint et lui offre son cou. Le vampire retrouve la motricité de ses membres inférieurs.

Cette fin, dont le romantisme et la naïveté peuvent étonner quand on l’oppose au regard lucide de la première nouvelle, en dit long sur les fantasmes et les valeurs de l’auteur. L’amour est pour lui le meilleur remède pour transcender sa condition. Ce qui manque justement à Nicolas, le personnage principal du « Fil d’Ariane ». Ici, l’écriture n’a pas la même valeur rédemptrice que l’amour. Au contraire, elle contribuera à la perte du héros qui succombe à l’envoûtement de l’inspiration. Plutôt que de se libérer d’une contrainte, Nicolas est l’artisan de son enfermement. À la fin, son corps est paralysé par un cocon tissé par une araignée. Singulière image qui révèle toute l’ambiguïté d’une nouvelle qui place l’écriture au cœur de son propos et dont on retrouve l’exact contraire – un homme sort de son cocon au contact de l’amour d’une femme et se met à écrire – dans « Gravures dans le givre », la nouvelle suivante.

Les deux autres textes fantastiques présentent des variantes de l’enfermement. Dans « Au cœur de l’ombre », l’auteur nous présente une vision assez saisissante de ce que pourrait être la vie après la mort. Cela nous change du fameux tunnel lumineux. À la suite d’un accident de voiture, un homme doit traverser un désert et lutter contre les éléments de la nature avant d’aboutir dans une maison qui lui est familière. On peut penser que la cause des malheurs de cet homme est le manque d’amour pour les siens.

Quant à « La Piste des rivets », son intérêt est fort limité. Cette histoire de fantômes amérindiens qui ensorcellent les aventuriers qui tentent d’escalader une montagne où serait caché un trésor archéologique n’apporte rien de nouveau à ce thème déjà surexploité. Elle semble n’avoir été conçue que pour rendre compte d’une autre forme symbolique d’enfermement en présentant le narrateur suspendu au bout d’une corde au-dessus du vide. Quand le travail d’écriture ne débouche pas sur une transformation symbolique du réel comme c’est le cas dans cette nouvelle inutile, le fantastique ne joue pas son rôle et n’offre rien de plus que le réalisme. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 117-119.