À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
XYZ 13
Pagination
61-64
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À quarante ans, Éric sent le besoin de faire le point, lui qui a toujours réglé sa vie sur le chiffre 20. Adepte du principe « Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage », il se rend compte en revoyant ses différentes liaisons amoureuses qu’il n’a aucun souvenir de la treizième baise. Cher­chant dans une nouvelle relation à découvrir la raison, il trouvera plutôt son destin…

Commentaires

Depuis quelques années, l’œuvre de Jean-Yves Soucy est marquée par la sexualité, ce que certains de ses fidèles lecteurs appelleront plutôt porno­graphie, ne lui pardonnant pas cette nouvelle orientation. « La Treizième baise » appartient à ce récent courant d’inspiration mais cette nouvelle fantastico-humoristique n’a rien pour scandaliser ou choquer. On a déjà lu des descriptions plus crues ou plus vulgaires.

À première vue, le texte de Soucy n’est pas autre chose que l’expression des fantasmes d’un homme au moment d’une relation sexuelle avec une femme. En ayant peur d’être avalé par sa compagne, Éric éprouve une sensation que bien d’autres hommes ont déjà ressentie et qui caractérise la sexualité masculine. Mais pourquoi cette fois-ci le fantasme devient-il réalité ?

Il y a de la part de l’auteur un souci manifeste d’ironiser sur la rationalité du personnage d’Éric qui croit à la rigueur mathématique des chiffres, ce qui ne l’empêche pas d’être victime d’une manifestation sou­daine de l’irrationalité. Je ne crois pas cependant que l’avalement d’Éric par un vagin transformé en bête monstrueuse traduise un quelconque sentiment misogyne chez Soucy. L’erreur du personnage aura été de ne pas s’abandonner, de jouer à la fois le rôle d’acteur et de spectateur, de tenter de garder une certaine distance face à l’acte sans s’y investir totalement afin d’en conserver un souvenir. Comme Adam au paradis terrestre, sa faute aura été de vouloir savoir. Jusque-là, son innocence l’avait protégé contre ce danger.

Si les femmes ne se sont pas gênées pour parler de leurs fantasmes amoureux ces dernières années – je pense à Anne Dandurand, Marie José Thériault et Yolande Villemaire ici, à Erica Jong aux États-Unis –, il ne faudrait pas refuser ce droit aux hommes sous prétexte que l’image de la femme s’en trouve dévaluée ou dépréciée. Jean-Yves Soucy nous dit avec humour, dans « La Treizième baise », qu’en matière de sexualité, les fantasmes de la femme valent bien ceux de l’homme et que dans cette petite guerre que sont les échanges sexuels, mieux vaut affronter son partenaire avec les mêmes armes, sinon l’un se fait bouffer par l’autre.

On retrouve bien là le moraliste serein qui nous a donné en 1984 une fable enjouée, Érica. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 166.