À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Un jeune homme, Jérôme Tréban, accède par un placard secret au treizième étage d’un hôtel qui, comme tous les autres, ne compte pas d’étage entre le douzième et le quatorzième conformément à une vieille superstition. Il y trouve des gens qui n’ont plus aucune conscience de la réalité et du monde extérieur. Lui-même se demande qui il est et comment il en est arrivé là quand il se remémore soudain une scène de la veille. Il avait demandé il y a plusieurs mois d’être soigné pour cause de dépression à l’Institut des Sciences humaines appliquées et il venait de découvrir que son traitement visait à contrôler son esprit et à le maintenir dans un état d’aliénation permanent.
Commentaires
Le début de la nouvelle laisse planer des doutes sur l’état de santé mentale du protagoniste. Le climat est anxiogène et vaguement kafkaien. Quand Jérôme Tréban arrive au treizième étage supposément inexistant de l’hôtel, il rencontre une série de pensionnaires tous plus étranges les uns que les autres. En parlant à une jeune femme qui lui a ouvert la porte de sa chambre, Jérôme retrouve sa mémoire et apprend l’identité des habitants de l’étage.
Il s’agit ni plus ni moins d’un camp d’internement pour des personnes jugées dangereuses pour la société : monsieur Bernard, un écrivain anarchiste, madame Germaine, une fervente féministe, un syndicaliste, un intellectuel progressiste. Le jeune homme revoit une scène de la veille au cours de laquelle il a appris les véritables intentions de l’Institut : contrôler l’ordre et maintenir le statu quo en neutralisant les individus susceptibles d’éveiller les consciences. Dès lors se dessine en toile de fond, quoique de façon sommaire, une société dystopique plutôt inquiétante. Du fantastique, la nouvelle bascule dans la science-fiction.
L’écriture de Carl Dubuc, en bonne partie dialoguée, est agréable et élégante. Elle caractérise avec justesse les attitudes des personnages et leurs traits psychologiques. Il s’agit, dans l’ensemble, d’un texte intéressant à lire et révélateur des craintes inconscientes de l’individu vivant en société.
Malheureusement, après la remémoration des événements de la veille qui permet à Jérôme de reprendre contact avec la réalité, la nouvelle s’effiloche lamentablement. La finale est précipitée et manque singulièrement de vraisemblance, sans compter qu’elle débouche sur un happy end improbable. De plus, les raisons de l’internement de Françoise, la jeune femme qui a invité Jérôme chez elle, demeurent floues. Elle croit être coupable d’avoir aimé ou de ne pas avoir aimé. Tout (et son contraire) ne peut être subversif : Dubuc force la note et mine la crédibilité du complot contre l’humanité que le protagoniste a découvert mais qu’il ne dénoncera pas publiquement. Il préférera son bonheur dans les bras de Françoise.
On peut supposer que c’est l’amour, justement, qui a réveillé les facultés mnémoniques de Françoise et Jérôme puisqu’ils vivent désormais ensemble, parcourant le monde. Cet épilogue béat dit bien l’ambiance de l’époque où la nouvelle a été écrite – la première année de la décennie 1970. [CJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 185-186.