À propos de cette édition

Éditeur
Pierre Tisseyre
Titre et numéro de la collection
Conquêtes - 51
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
183
Lieu
Saint-Laurent
Année de parution
1996
ISBN
9782890516069
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[2 FA ; 1 HG]
Le Cachot
La Maison Bucherschmiedundniedele
Le Coffret

Autres parutions

Commentaires

Ce livre regroupe trois novellas d’un auteur jeunesse peu prolifique. Il a manifestement lu du fantastique, mais n’a pas pratiqué le genre assez pour en dépasser les aspects les plus élémentaires ni, il faut bien le dire, les clichés les plus éculés, y compris des vampires dont l’allure renvoie à Entretien avec un vampire.

« Il l’ignore encore, mais c’est précisément cette brillante idée qui plongera bientôt le pauvre Antoine au cœur d’une aventure plus terrifiante que tout ce qu’on peut imaginer. » (p. 12) « Le pauvre Félix était loin de se douter que cette dernière heure se révélerait la pire. » (p. 100) Peut-on encore, soixante ans après Lovecraft, commencer des histoires avec « Il l’ignorait encore mais… » ? Apparemment, il y a des éditeurs que cela ne dérange guère. Pas plus que des personnages qui emboîtent complaisamment le pas à d’inquiétants inconnus feignant d’être aveugles, acceptent de se laisser enfermer pour la nuit dans une cellule officiellement hantée, dans une bâtisse décrépite et déserte, et n’ont qu’à mi-récit l’intuition d’être victime d’un coup monté. La méfiance et le simple bon sens sont manifestement des entraves au déroulement expéditif d’une histoire de fantôme.

Pour ce lecteur-ci du moins, la pilule du « Cachot » était trop grosse à avaler pour que j’apprécie l’explication controuvée, livrée à la fin en deux coups de cuiller à pot. Quant à « La Maison Bucherschmiedundniedele », l’intrigue est tellement alourdie d’indices qu’on se demande si Émond a espéré confondre ne serait-ce qu’un lecteur sur mille. Du reste, s’agissant de surnaturel expliqué, cette histoire-ci ne sera pas recensée comme telle dans L’ASFFQ ; nous n’en parlons qu’à cause de son appartenance au tout, le stage nocturne du garçon dans la maison truquée étant l’un des Trois séjours en sombres territoires. Le ratage ci-devant mentionné n’est qu’aggravé par la scène finale, la petite fête gourmande organisée en l’honneur de Félix triomphant, où deux hommes mystérieux s’expliquent l’un à l’autre comment s’articulait la mise en scène dont ils étaient eux-mêmes les exécutants ! C’est en les écoutant subrepticement que l’adolescent comprend ce que tout lecteur aura compris vers le tiers de l’histoire.

Ce n’est pas la seule maladresse étalée dans « La Maison Bucherschmiedundniedele ». Il y a aussi l’incompétence dans le rendu des pensées du personnage. Seul durant la majeure partie de l’histoire, il se parle à lui-même, ce qui aurait dû se traduire par des italiques sans tiret, ou à tout le moins par l’usage de guillemets. Rien de tel, de sorte que notre héros d’âge indéfini soliloque sans arrêt, livrant des perles comme « – Ce qui m’énerve le plus, s’impatienta Félix, c’est de ne pas savoir. La bête à la trompe va-t-elle se manifester ce soir ? De quelle façon ? Où ? Quand ? Et comment dois-je l’arrêter ! » (p. 102) Les personnages d’Émond sont tous affligés de cette manie à des degrés divers. Ainsi le protagoniste de la troisième novella : « – Prétentieux ! se dit-il. Tu savais qu’il t’attirait dans un traquenard et pourtant tu l’as laissé t’y mener. Par orgueil. Pour prouver que tu es le plus fort. Pour l’impressionner aussi. Regarde où cela t’a mené. […] » (p. 152) Certains écrivains privilégient les dialogues comme moteurs d’un récit ; pour Émond, c’est le monologue.

Le manque de rigueur éditoriale transparaît ailleurs : la récurrence de la locution « jeune garçon » pour les trois héros pourtant d’âges différents (deux adolescents, un jeune homme dans la vingtaine), des flottements occasionnels dans les temps de narration, quelques inconsistances qui auraient dû être relevées (heure du coucher du soleil au 31 octobre mais, surtout, le fait que les jeunes Canadiens français ne couraient assurément pas l’Halloween dans les années quarante).

Les invraisemblances abondent. Nous avons relevé plus haut celles d’ordre contextuel. En voici une d’ordre matériel : toujours dans « La Maison… », ayant brisé sa lampe de poche, Félix éclaire tous ses déplacements, toutes les allées et venues de sa soirée, avec un candélabre à cinq bougies qui subira heurts, chutes et brusques volte-face sans jamais que les flammes ne soient soufflées, même lorsque le malheureux garçon sera réduit à tenir son ultime bougie entre ses dents, à l’horizontale, pendant qu’il grimpe en toute hâte une échelle à la force de ses bras !

L’auteur privilégie partout le narrateur omniscient. Dans « Le Coffret », ce narrateur, d’abord observateur externe, est ensuite dans la tête de chaque personnage successivement.

Au bout du compte, il y a sûrement une raison pour laquelle ce livre a été publié ? Notons, dans la colonne positive, quelques idées ingénieuses, une narration sans temps morts, allégée à l’occasion par un certain humour ou de jolis jeux avec le vocabulaire (à ne pas confondre, heureusement, avec des jeux de mots). [DS]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 81-83.

Références

  • Desroches, Gisèle, Le Devoir 30/31-03-1996, p. D 6.
  • Gagnon, Danielle, Lurelu, vol. 19, n˚ 2, p. 19.