Tu verras

Une jeune aventurière, Justine Novaque, erre dans les rues d’un Mon­tréal du proche futur où il est encore plus hasardeux qu’aujourd’hui de se promener seule, et inévitablement son chemin croise celui d’une « houle-gang », l’une de ces bandes d’adolescents qui terrorisent la population métropolitaine. Voulant leur échapper, elle se réfugie sur le théâtre d’un cambriolage mené avec brio par Conrad Martin. Leur amitié se liant pres­que instantanément, Conrad devient le compagnon de Justine dans sa quête d’une certaine Martina Roublev qui « pourrait être sa mère ».

Comment, à la lecture de ce texte, ne pas songer à l’œuvre d’Élisabeth Vonarburg ? En effet, les préoccupations de Pelletier dans « Tu verras » rejoignent celles de la diva de la SFQ : quête d’identité (identité féminine, en l’occurrence), manipulations génétiques, mal d’être du simulacre. Car l’héroïne se révèle en effet une glasskid, sorte de femme artificielle dont on ne sait si elle est plus synthétique qu’humaine.

Pelletier se distingue de son aînée par un traitement beaucoup plus axé sur la création du suspense que sur la nausée existentielle distillée par cer­taines nouvelles de Vonarburg sur le sujet. Ainsi, l’ambiance de polar (ombres de Blade runner à l’horizon ?), avec ses poursuites à n’en plus finir et ses coups de théâtre, de même que cette façon, typique de la ma­nière "américaine" de l’auteure, de suggérer les sentiments sans jamais les nommer, confèrent au texte de Pelletier son identité propre. De la SF "classique" bien menée. [SP]

• Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 159-160.