À propos de cette édition

Éditeur
HMH
Titre et numéro de la collection
L'Arbre - 3
Genre
Science-fiction
Longueur
Nouvelle
Paru dans
13 récits
Pagination
101-108
Lieu
Montréal
Année de parution
1964

Résumé/Sommaire

Déçu par les gouvernements précédents, le peuple québécois porte au pouvoir un triumvirat qui prône des valeurs d’extrême-droite. Les libertés individuelles sont suspendues au profit du bien collectif et du maintien de l’ordre.

Commentaires

Non mais, faut-il être culotté pour écrire un tel texte ! Imaginez, on est en pleine Révolution tranquille, le Québec se dote de nouvelles institutions, se défait du joug religieux et emprunte la voie qui mène à la modernité. Qu’un écrivain ose rappeler à ce moment-là que le Québec n’est pas à l’abri du retour de l’autoritarisme et de la « grande noirceur », voilà qui requiert une bonne dose d’audace. Ce texte ironique est-il l’œuvre d’un empêcheur de tourner en rond ou d’un visionnaire ? J’opterais, pour ma part, pour la seconde hypothèse car Jean Simard connaît les travers du peuple québécois. Celui-ci aime bien les chefs autoritaires, comme le signale l’allusion à peine voilée à la poigne de Duplessis qui a géré d’une main de fer les affaires de l’État québécois pendant 15 années consécutives.

Pourtant, il s’en est fallu de peu que ce texte n’appartienne pas au corpus des œuvres de science-fiction. Il a suffi d’une petite note en bas de page (« Extrait d’une Histoire du Canada publiée en 1984, sous les auspices du Conseil de l’Instruction publique ») pour qu’il ait sa place – bien méritée, puisqu’il a été publié en 1964 – sur le rayon des anticipations politiques.

« Un âge d’or » est un exemple, assez rare jusque-là en littérature québécoise, d’une utopie politique. Ce texte fait, d’une certaine façon, le pont entre deux œuvres importantes qui ont contribué à nourrir la pensée utopique dans les lettres québécoises, Pour la patrie de Jules-Paul Tardivel et Jean Rivard, le défricheur d’Antoine Gérin-Lajoie. D’une part, l’un des principes du nouveau pouvoir en place dans le texte de Simard veut que le catholicisme romain soit désormais considéré comme religion d’État, à l’instar de l’idéologie ultramontaine de Tardivel. D’autre part, le décret n˚ 2 du parti au pouvoir stipule que « l’État favoriserait, par tous les moyens, le retour à la terre et aux traditions artisanales, gages de stabilité ». Bref, se dessine là une utopie pastorale comme l’avait imaginée Gérin-Lajoie. Il n’est d’ailleurs pas innocent que le triumvirat qui est élu soit composé d’un historien traditionaliste, d’un ancien pamphlétaire et d’un ex-président d’action catholique.

« Un âge d’or » est un texte court, pas très développé, qui se veut une satire des mœurs (politiques) québécoises. Il a valeur d’avertissement. Et comme Jean Simard a eu l’intelligence de ne pas dater trop précisément l’époque de son récit – postérieure à 1984, mais sans plus de précision –, son brûlot est assuré d’une certaine pérennité et d’une actualité certaine. [CJ]

  • Source : La Décennie charnière (1960-1969), Alire, p. 172-173.