À propos de cette édition

Éditeur
Solaris
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Solaris 129
Pagination
5-10
Lieu
Proulxville
Année de parution
1999
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Bernal est né sur un navire marchand et ne l’a jamais quitté. Quand meurt Igni, le vieux mécanicien du navire, il laisse à Bernal une grande quantité de lettres d’amour que lui a écrites une femme anonyme. C’est au tour maintenant de Bernal de recevoir une lettre par mois. Bientôt, il est envoûté par les mots de cette mystérieuse correspondante et il coule le navire pour aller la rejoindre au fond de la mer.

Commentaires

Pour sa première nouvelle, Martin Hébert propose une variation sur la figure mythique de la sirène qui séduit les matelots par son chant. Le trait de génie de ce texte – et sa principale qualité –, c’est d’avoir remplacé la voix par les mots, concrétisant par le fait même, en une métaphore saisissante, le passage d’une culture orale à une culture écrite. Dans LOdyssée d’Homère et dans les textes anciens, c’est la voix qui ensorcelait les matelots. Dans « Un chant si doux » – quoi que laisse croire le titre ! –, ce sont les mots qui envoûtent le narrateur.

Le début du récit rappelle le roman d’Alessandro Baricco, Novecento, qui met en scène un homme né sur un bateau et qui y a passé sa vie comme pianiste à distraire les passagers. Dans la nouvelle d’Hébert, ce personnage est en quelque sorte dédoublé et représente deux façons différentes de réagir à l’appel de la sirène. Cette dissemblance permet de mesurer le fossé des générations entre les deux hommes. Igni, le mentor, a toujours résisté à l’envoûtement des mots. Ces lettres l’aidaient à supporter sa solitude et lui procuraient l’illusion d’être aimé.

Devenu destinataire de ces lettres, Bernal répond à l’appel des mots. En brisant la coque du navire d’où il n’était jamais sorti, il quitte finalement le ventre maternel – sa mère est morte dans la cale en lui donnant naissance – et s’accorde la chance de venir véritablement au monde. C’est pourquoi la fin n’est pas morbide ou tragique malgré le drame que peut objectivement représenter un naufrage. C’est plutôt une épiphanie que vit le narrateur.

Voilà donc une nouvelle intéressante, porteuse d’une symbolique qui condense magnifiquement l’évolution de la civilisation occidentale, mais une nouvelle un peu longue, qui s’étire comme les journées monotones de Bernal et qui distille l’ennui à l’occasion. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1999, Alire, p. 85-86.