À propos de cette édition

Éditeur
Vents d'Ouest
Titre et numéro de la collection
Azimuts
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
112
Lieu
Hull
Année de parution
1997
ISBN
9782921603447
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Dans le monde postrévolutionnaire de Maïor-Akassin, la vie des citoyens est morne, étriquée et menaçante. Les autorités révolutionnaires censurent le passé avec application et toute pensée contre-révolutionnaire est vigoureusement réprimée. En réalité, le pouvoir est aux mains des Hautes Familles qui dominent le peuple du haut de leurs Tours. De la technologie de ce passé grandiose, ont survécu les « matrices », dont on contrôle encore en partie les possibilités. Celles-ci servent à utiliser les interfaces de réalité virtuelles dans des buts de défense, à conserver l’« âme » des morts et à reconditionner les citoyens soupçonnés d’opposition au régime.

Dans sa jeunesse, David Mayer a trouvé un œuf de sidérurge, ces pseudo-oiseaux qui se nourrissent de rouille et pondent des œufs d’acier. Plus tard, à l’adolescence, il offre cet objet à Jéline Kandinsky, sa voisine, en échange de faveurs sexuelles. Peu de temps après, la famille de Jéline Kandinsky connaît les foudres de l’Ordre Public. Ses parents sont reconditionnés et les enfants dispersés. À la suite de la mort d’un de ses frères, Erik, Jéline se suicide. Le jeune David ne peut s’empêcher de penser que cette mort est due à la découverte de l’œuf d’acier dans l’appartement des Kandinsky.

À la fin de ses études, David montre un fort potentiel de capacité à l’induction et devient de ce fait apprenti-aéronaute à la Tour Malsgrim, ce qui représente pour lui une chance inespérée de promotion sociale. Pendant son entraînement, il se lie d’amitié, puis d’amour, avec une jeune femme, Adèle-Anne, qui lui révèle l’existence d’un cimetière sous la tour. Lors d’une visite subséquente à ce cimetière, il découvre la « tombe » de Jéline Kandinsky et entre en communication avec son « âme ». Entre temps, ses relations avec Adèle-Anne se détériorent peu à peu. Plus tard, à l’aide d’un casque à induction, il pénètre dans l’univers virtuel de Jéline et apprend qu’après la mort de son frère Erik, elle a perdu la trace de l’œuf de métal, mais qu’il se trouve probablement à la Tour Kardek. Bientôt, un message non signé, glissé sous la porte de son appartement, lui révèle le nom de l’actuel possesseur de l’œuf, un diplomate à la Tour Kardek.

La vie suit son cours. Il apprend qu’Adèle-Anne a été reconditionnée pour désordre public et propos contre-révolutionnaires. Révolté, sentant sa vie lui échapper, il décide en désespoir de cause de récupérer l’œuf d’acier et vole jusqu’à la Tour rivale. Il vainc les défenseurs, s’empare de l’objet et retourne à l’appartement de son enfance. Là, il voit Jéline, apparemment vivante, en réalité. Il apprend qu’elle a jadis eu une liaison avec un homme de la Tour Malsgrim, qu’elle est tombée enceinte, qu’elle est morte à la suite d’un avortement raté et que son amant, par amour, a conservé une copie de son « âme » dans la matrice. Grâce à l’intervention de David, sa personnalité a accédé à une semi-vie. Avec son aide, il traverse les frontières de Maïor-Akassin et se réfugie à Seelande, emportant avec lui les souvenirs de sa vie ratée et l’œuf d’acier qui représente son passé.

Commentaires

Ceux qui, comme moi, attendaient la parution du premier roman pour adultes d’Yves Meynard seront peut-être un peu déçus en constatant qu’il ne s’agit pas d’un roman (malgré la mention sur la couverture) mais plutôt d’une novella, guère plus longue en fait que Chanson pour une sirène, fruit de sa collaboration avec Élisabeth Vonarburg, publiée en 1995 chez le même éditeur. Une fois cette légère déception passée, ils feront comme moi et se plongeront avec délectation dans le dernier rêve issu de l’imagination de l’auteur de La Rose du désert. Ils retrouveront la même langue souple et élégante, le même imaginaire foisonnant, la même présence, en filigrane, d’un Gene Wolfe, auteur auquel Meynard, on le sait, voue une grande admiration.

De Wolfe, l’auteur emprunte (si le terme est juste) une certaine ambiguïté, une sorte de réticence à tout dire, laissant ainsi au lecteur la capacité (ou le devoir) de constituer les liens nécessaires à la compréhension du background. L’information est rarement présentée d’un seul bloc. Les détails s’ajoutent, se complètent, se répondent, lancent sur une piste, relancent sur une autre. Le nom du narrateur ne nous est connu qu’au milieu du texte ; l’origine des sidérurges, présentés en premières pages, ne nous est donnée qu’à la dernière, le monde extérieur à Maïor-Akassin reste invisible, inexistant, tant et aussi longtemps que pour David le monde se résume aux mornes et gris quartiers qu’il a connus tout au long de son existence. Qu’on ne s’y trompe pas : il n’y a pas là négligence mais subtile et délicate orchestration.

C’est à la vision d’un monde pourrissant que nous convie Meynard, un monde où une science ancienne est de plus en plus comprise (ou incomprise ?) comme une sorte de magie ou de sorcellerie. (La vision d’un aéronaute chevauchant sa lance n’évoque-t-elle pas la sorcière chevauchant son balai ?)

Dans un autre ordre d’idées, on ne peut s’empêcher d’être fasciné par les détails de l’entraînement de David à ses fonctions d’aéronaute. Ceux-ci occupent d’ailleurs une partie importante de la novella. Hard science ? Si l’on veut. Goût pour la création et la construction imaginative ? Certainement.

Enfin, les amateurs de belle langue seront gavés. Tournures heureuses, phrases surprenantes, termes choisis avec soin sauront satisfaire les plus blasés, sans pour cela que la forme l’emporte sur le fond, comme une certaine science-fiction française a pu naguère nous y habituer. Car Meynard a ceci du vrai styliste, qu’il n’écrit jamais pour la phrase mais pour l’histoire. Je ne peux résister à l’envie de partager avec vous ma phrase préférée : « J’ai émergé à la lumière d’un soleil mathématique devant lequel mon corps était plus transparent que le verre. » (p. 76)

Texte important, peut-être majeur, de la production SFFQ 1997, Un œuf d’acier est à coup sûr un régal pour l’esprit. Si le véritable roman de Meynard que nous attendons tous est encore à venir, cet aperçu de son vaste talent vaut certes une visite… et une revisite. [GS]

  • Source : L'ASFFQ 1997, Alire, p. 127-128.

Références

  • Bérard, Sylvie, Lettres québécoises 87, p. 35-36.
  • Mercier, Claude, Proxima 2/3, p. 107.
  • Morin, Hugues, Solaris 122, p. 47.
  • Tanguay-Lauzière, Marc-Antoine, Québec français 109, p. 11-12.