Un simple accident

Trois chaînes d’événements convergent, dont l’une, banale, concerne le présent : un prof de cégep en route vers le Mexique (en voiture), un avion de ligne destiné à le survoler par hasard, et un satellite étatsunien (pas) destiné à tomber de son orbite. L’autre chaîne événementielle est une guerre galactique dans un lointain passé, et l’un parmi une multitude de missiles qui ne toucha jamais sa cible puis fila sur des milliers d’années-lumière avant de croiser un système solaire, le nôtre. La troisième séquence implique un temposcaphe terrien venu du cinquième millénaire de notre ère, frôlé par le missile perdu et semant ses propres débris à travers diverses époques. Débris, satellite en perdition, écrasement du Boeing sur l’auto du prof. Un simple accident.

Elle tient en une page, cette petite œuvre horlogère muette où les deux seuls personnages nommés – le prof d’histoire et l’agent spatio-temporel – n’ont pas un mot à dire. La narration, omnisciente et sans focalisation, agit comme un train miniature sur ses rails, ou plutôt trois trains sur trois paires convergentes de rails. Encore que l’image des boules de billard s’avère tout aussi pertinente, surtout appliquée au satellite-espion : se heurtant dans un ordre précis, les boules tomberont chacune dans son trou sous l’action d’un joueur-narrateur au geste assuré. [DS]

• Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 280.