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Il y a toujours eu une fascination certaine dans le milieu de la science-fiction pour ce qu’on appelle en anglais la short short story. Plusieurs auteurs de renom s’y sont essayés (on pensera surtout à Fredric Brown et, entre autres, à « F.I.N. »), ou encore à Forrest J. Ackerman qui a raccourci son texte à un seul chiffre dans une fiction qui, cependant, avait comme titre à rallonge « Fiche d’exploration spatiale : Résultat de l’examen d’entrée dans la Fédération Galactique – Planète Terre ». Pour celles et ceux qui ne l’ont pas lue, je ne vous dévoilerai pas quel est le fameux chiffre… même si vous devez bien vous en douter !
Bref, on croyait bien avoir atteint la limite ultime de la short short quand un jeune prof de cégep à l’esprit joyeusement tarabiscoté a décidé, dans le fanzine qu’il avait créé trois ans plus tôt avec un groupe de ses étudiants, de gravir l’ultime marche afin de pulvériser cet exploit.
Tel un Georges Pérec sur l’acide ne se contentant plus d’occire le « e », notre diable d’homme trouva un non moins diabolique subterfuge pour arriver à ses fins. Mon collègue Janelle, ci-bas, considère que c’est ni plus ni moins qu’une facétie – et en cela je ne puis qu’être d’accord – et que l’auteur aurait pu (dû ?) opter pour une autre façon plus « visible » de raconter cette aventure. Or, pour moi, ce point de vue n’est pas recevable puisque l’auteur seul doit être juge de sa manière de raconter son histoire. Et celle que Norbert Spehner a privilégiée lui a permis, et je l’en félicite, de mériter qu’on parle de son texte ici, mais aussi de ravir le prix de la fiction plus courte de toute l’histoire de la SF ! [JPw]
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Diantre ! Où est le résumé ? Comment peut-il y avoir un résumé s’il n’y a pas de texte ? C’est là une autre des facéties de Norbert Spehner, reconnu pour ses mots d’esprit parfois spirituels, parfois vaseux (en toute affection).
Un titre seul est-il en soi une œuvre de fiction ? Selon moi, non. On comprend où l’auteur de ce canular littéraire veut nous amener : puisque l’homme est invisible, il ne peut raconter son aventure. C’est, à mon avis, un faux prétexte. L’auteur aurait pu, en privilégiant une narration au « il », bâtir une histoire rapportant un certain nombre d’épisodes de télékinésie, par exemple, en les expliquant par une manifestation de l’homme invisible.
Spehner aurait pu aussi opter pour une narration au « je ». Si l’homme est invisible, la plume ou l’ordinateur qu’il aurait pu utiliser pour écrire son aventure ne le sont pas forcément. L’absence de manuscrit n’est donc pas justifiée et apparaît comme une dérobade facile de l’auteur qui se défile devant ses obligations le liant au lecteur en vertu d’un contrat tacite.
Je signe et je persiste : pour moi, un titre seul ne fait pas une œuvre. De la même façon, est-ce qu’on peut dire d’une toile blanche encadrée qui n’a pas été altérée de quelque manière que ce soit par la main de l’artiste est une œuvre d’art ? [CJ]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 377-378.