À propos de cette édition

Éditeur
L'Événement
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
L'Événement, vol. XVII, n˚ 197
Pagination
4
Lieu
Québec
Date de parution
12 janvier 1884

Résumé/Sommaire

Julie subvient tant bien que mal aux besoins de sa mère par ses travaux de couture. Sa pauvre condition ne l’empêche toutefois pas de donner chaque semaine un franc au curé pour faire dire une messe à l’intention des âmes du purgatoire. L’ouvrage vient cependant à manquer et Julie donne son dernier franc au curé. Elle désespère d’obtenir du travail quand elle rencontre un jeune homme qui lui indique une maison où elle pourra en trouver. Madame L… n’a pas besoin de ses services mais quand elle apprend que Julie s’est présentée chez elle sur les recommandations de son fils, mort dans le péché, elle comprend que la générosité de Julie a racheté son fils des flammes du purgatoire. Elle prend alors la jeune fille et sa mère sous sa protection.

Commentaires

Le conte de Charles-Edmond Rouleau a dû avoir beaucoup de succès auprès des curés. Il souligne l’importance de verser une obole au curé tout en faisant la preuve que tant de générosité ne peut être perdue. « Un franc déposé chaque semaine entre les mains du curé avait produit des millions », conclut l’auteur.

Dans « Une couturière », tout est au premier degré de sorte que ce conte présente peu d’intérêt pour l’étude de l’imaginaire. Rouleau oppose le royaume terrestre, dur et rempli de malheurs successifs, au royaume céleste, marqué par la constance de la Providence et par la reconnaissance du Bien.

Le tableau social brossé par Rouleau dévoile un phénomène dont plusieurs écrivains ont fait état. Cette société repose sur le matriarcat. Les hommes sont étonnamment absents, soit qu’ils sont morts au labeur (le père de Julie), soit qu’ils sont partis travailler loin du foyer familial (l’oncle et le frère de la jeune fille), soit qu’ils ont été punis par la Providence pour leur vie dissolue (le fils de Madame L…, elle-même veuve). Cette singularité ne réussit pas à sauver le conte de la banalité mais pourrait en faire un document littéraire utile pour qui rechercherait les causes de l’émergence de la société matriarcale québécoise.

Je ne suis pas surpris d’apprendre, en consultant les notes biographiques de Rouleau, qu’il s’est enrôlé dans le régiment des zouaves pontificaux et qu’il a été actif dans ce mouvement une grande partie de sa vie. « Une couturière » est un exemple parfait de conte édifiant destiné à faire marcher, dirait-on, l’économie de l’Église. Pour racheter l’âme des pécheurs qui séjourne au purgatoire, il faut faire chanter des messes. Pour faire chanter des messes, il faut payer le curé. Et c’est ainsi que tout le monde s’en porte mieux, le pécheur, le curé et la pieuse Julie.

Bref, un texte à vous donner le goût de devenir anticlérical. [CJ]

  • Source : Le XIXe siècle fantastique en Amérique française, Alire, p. 174-175.