À propos de cette édition

Éditeur
C. O. Beauchemin & fils
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Conteurs canadiens-français du XIXe siècle
Pagination
35-45
Lieu
Montréal
Année de parution
1902

Résumé/Sommaire

Le narrateur raconte comment son défunt père, François Dubé, a été témoin d’une scène incroyable alors qu’il se trouvait, au milieu de la nuit, sur la rive sud en face de l’île d’Orléans. Pendant qu’il regarde des feux follets danser sur la grève, mener un sabbat de tous les diables, la Corriveau, emprisonnée dans sa cage de fer, s’approche de lui à l’improviste et le supplie de lui faire traverser le fleuve pour qu’elle puisse se joindre à la bacchanale. Dubé refuse et la sorcière se jette à sa gorge pour l’étrangler. Le voyageur se réveille au matin, étendu dans un fossé, et constate que la Corriveau a vidé son flacon de boisson.

Commentaires

Cet extrait tiré du chapitre III des Anciens Canadiens joue sur le doute raisonnable pour établir une véritable atmosphère fantastique. Le voyageur n’étant pas sobre au moment où les événements se sont produits et le flacon étant vide à son réveil, on peut croire que cette vision est le fruit de son délire éthylique comme on peut croire que cela s’est réellement produit. Quand cet équilibre fragile est maintenu par le récit, il est alors opportun de ranger le texte dans la catégorie des contes fantastiques.

« Une nuit chez les sorciers » n’est pas un texte fondateur de la littérature fantastique ou un conte qui innove en la matière. Tout au plus participe-t-il à la  cristallisation de certains mythes populaires en contribuant à répandre l’image maudite de la Corriveau et de l’île d’Orléans, terre de prédilection pour les sorciers. S’y glisse aussi, plus subtilement, une association entre le diable géant qui mène la ronde infernale et l’envahisseur anglais.

La légende de Philippe Aubert de Gaspé, père, n’est guère plus remarquable au plan de l’écriture. La langue est pittoresque avec ses mots tombés en désuétude (guevalle, déhâlé, traverses, insécrables) mais le charme se transforme en étonnement devant l’emploi du temps des verbes. Le conteur passe allégrement de l’imparfait au présent et vice versa. Néanmoins, ce récit n’ennuie jamais car il est vivant et l’auteur a l’intelligence de ne pas moraliser, se contentant d’une fine allusion sur les dangers de la boisson. [CJ]