À propos de cette édition

Éditeur
VLB
Titre et numéro de la collection
Cahier noir
Genre
Fantastique
Longueur
Roman
Format
Livre
Pagination
199
Lieu
Montréal
Année de parution
1987
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Il y eut tout d’abord Chiasson, le pédéraste qui enterrait les jeunes dans sa cave et qui, un soir, a été terrassé par le feu céleste. C’était à la fin des années soixante. Du temps a passé. La maison a été rachetée par William Chabot et sa femme Catherine, qui s’aiment tous les deux en attendant la venue de leur premier enfant. Du temps a passé encore. Chabot, photographe judiciaire, n’est plus avec Catherine. Le mariage a éclaté : leur petite fille, Julie, est morte depuis longtemps, violée et démembrée par un désaxé, et c’est son père qui a pris les photos du bras qui sortait d’un sac d’ordures. C’est peut-être là que commence vraiment l’histoire.

Un soir, alors qu’il est en train de tirer ses photos d’horreur, la foudre fend le ciel et un éclair triple frappe Chabot, la maison qu’il habite et une sépulture dans le cimetière Côte-des-Neiges. Et d’affaires dégueulasses en crimes crapuleux, il commence à apercevoir de drôles de choses sur ses photos, des fumées qui montent. Les âmes des assassinés ? Bullshit ! Pourtant, qu’y a-t-il donc dans le grenier de sa maison ?

Chabot voit des choses, entend sa fille qui lui quémande une famille. Devient-il fou ? Pourtant, d’autres voient aussi, comme l’ex-inspecteur Lambert qui, un soir de cuite, aperçoit Julie la monstrueuse sortir du grenier pour aller tourmenter son père, comme Suzanne, cette fille du département qui aime William malgré son état de plus en plus délirant, verra quelque chose d’horrible dans cette maison hantée. Hantée ???

Le temps passe, les photos s’accumulent et Julie est contente : sa famille s’agrandit. William renoue avec Catherine. C’est le début de la fin. Catherine veut en avoir le cœur net de cette histoire de fou. Elle ira creuser la tombe de son bébé. Il en sortira un grand corbeau noir qui tuera de son aile le fossoyeur… Les choses se précipitent. De retour dans la maison, elle retrouve sa fille et sa nouvelle famille qui l’accueille en lui tordant le cou. Ne manque plus que le père pour qu’elle soit complète ?

Commentaires

À ma connaissance, Une photo vaut mille morts est le premier roman d’horreur québécois. Cependant, même en tenant compte de ce fait, je ne pourrai pas dire que c’est le meilleur tant c’est mal écrit ! Je n’accablerai pas l’auteur pour ses effroyables emplois de temps de verbe, pour sa syntaxe délirante d’où trop souvent tout sens logique s’exclut. C’est un premier roman et toute personne inexpérimentée a droit à l’erreur et à l’errance. Heureusement, parallèlement à ces défauts d’écriture, on sent le talent véritable qui, s’il n’est pas encore canalisé, n’en demeure pas moins une denrée assez rare pour qu’on le souligne fortement. Car un talent inexploité, ou plutôt éparpillé – un ami appelle ça un talent sauvage ! – prouve une seule chose : le directeur littéraire et la maison d’édition n’ont pas fait leur travail vis-à-vis de leur jeune auteur. Mais il ne faut pas se surprendre de cette constatation : rares sont les éditeurs au Québec qui peuvent vraiment aider un auteur débutant dans les genres qui nous occupent, lui permettre de compléter l’écriture de son texte à partir de ce qu’il a soumis et qui n’est, dans le cas qui nous occupe, qu’un brouillon de ce que Une photo vaut mille morts aurait pu être véritablement : une petite pièce de collection !

Dutrisac ne manque pas d’idées, l’originalité de son histoire plaide en ce sens. Il est bourré de talents, nous l’avons déjà dit et, associées à sa connaissance certaine d’un genre prisé des lecteurs québécois mais boudé par la grande majorité des auteurs d’ici – même chez ceux du SF&F qui, pourtant… –, sa verve truculente et sa constance dans l’irrévérence permettent au lecteur de passer à travers les écueils de la langue, de l’imprécision des images et d’une construction qui, trop souvent, pèche par son manque de rigueur.

Comme c’est vraiment la première fois qu’on écrit de l’horreur au Québec – j’exclus en disant ceci les textes résurrectionnistes du XIXe siècle qui, pour être eux aussi d’essence purement horrible, ne visaient pas le même but et, surtout, n’étaient pas perçus alors comme de l’horreur ou, dirions-nous aujourd’hui, du gore, mais comme des textes liés au genre fantastique – je ne peux que le comparer à ses pairs anglo-saxons et il est intéressant de voir quels sont les gens que l’auteur fait apparaître à Catherine lorsqu’elle rend visite à la tombe de sa fille : Edgar Allan Poe, Rod Serling, Henry James, Shirley Jackson, Truman Capote, Howard Phillips Lovecraft et Alfred Hitchcock. Pas de doute, Billy Bob Dutrisac a fait ses classes ! Sûr aussi qu’il connaît bien les maîtres vivants comme Stephen King, Ramsey Campbell et Clive Barker, pour n’en nommer que trois. En comparaison, donc, le roman de Dutrisac ne peut que pâlir devant ceux de ces professionnels. Mais je pense que cette différence de qualité ne tient qu’à deux mots : expérience, professionnalisme.

Que Dutrisac commence sa carrière par un texte de 200 pages n’est pas pour l’aider : il est beaucoup plus difficile et décourageant de domestiquer sa plume sur une telle longueur que sur plusieurs nouvelles d’une dizaine de pages. L’expérience s’acquiert à force de travail, de discipline. Pas le talent. Lui, vous l’avez, ou pas ! Billy Bob Dutrisac, d’après ce premier roman, l’a. Ne lui reste plus qu’à ne pas le gaspiller inutilement et à acquérir la maîtrise de son médium.

C’est la grâce que je nous souhaite, nous les amateurs d’horribles histoires. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1987, Le Passeur, p. 80-82.

Références

  • Archaw, Mike, Solaris 81, p. 15.
  • Laurin, Michel, Nos livres, avril 1988, p. 29.
  • Saletti, Robert, Spirale 86, p. 9.