À propos de cette édition

Résumé/Sommaire
Valère Côté, un pêcheur de Saint-Yvon, passe dans tout le village pour un fou : il dit voir, lorsqu’il s’éloigne sur le fleuve, « son ancêtre Lebœuf », un grand gaillard de l’époque des portages de canot. Bourdages, un villageois, ainsi que le vicaire tentent tant bien que mal de mettre au jour ce mystère, car Valère connaît des faits historiques qu’il n’aurait pu apprendre nulle part puisqu’il ne sait pas lire. Tout le village reste pantois le jour où le pêcheur ramène d’une « virée » une belle amérindienne, cadeau de son ancêtre Lebœuf.
Commentaires
Si l’on peut certes critiquer le fait que le seul personnage féminin de la nouvelle soit un « cadeau » offert par un homme à un autre homme afin qu’il l’épouse, on peut néanmoins apprécier les codes typiques des vieilles légendes canadiennes-françaises. L’ambiance de petit village reculé, agrémentée par les rêveries de l’époque des « grands canots », apporte une saveur du terroir qui n’est pas sans charme. Cet imaginaire des temps anciens se mêle d’ailleurs de façon humoristique avec les réalités du présent : le vicaire, plutôt que d’être un austère homme de religion, est un « moderne » venu de Montréal, qui a déjà « fumé du pot par curiosité ».
Il est toutefois dommage que le contexte traditionnel soit, en quelque sorte, utilisé pour justifier que les femmes soient réduites au silence. Kalena, la belle amérindienne, ne semble pas avoir son mot à dire quant à son mariage avec Valère. Aussi, tous les villageois répètent à Valère que son histoire de l’ancêtre nommé Lebœuf n’a pas de sens, puisqu’il s’appelle lui-même Côté, alors qu’il ne faut pas réfléchir longtemps pour s’imaginer qu’il s’agit simplement d’un aïeul du côté maternel. Pourtant, l’auteur va jusqu’à confirmer la vision strictement patrilinéaire des habitants de Saint-Yvon, en expliquant qu’à l’époque, tout le monde changeait de nom de famille comme bon lui semblait, et donc, que Leboeuf était bien un ancêtre paternel direct. C’est effectivement vrai qu’à une certaine époque, les noms de famille étaient moins rigoureusement conservés, mais cela n’explique pas l’incohérence de la logique des villageois.
Bref, malgré la saveur traditionnelle évidente de cette nouvelle, celle-ci aurait tout de même gagné en intérêt si elle avait intégré davantage le point de vue féminin. [KB]
- Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 397.