À propos de cette édition

Éditeur
XYZ
Titre et numéro de la collection
L'Ère nouvelle - 1
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
139
Lieu
Montréal
Année de parution
1988
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Commentaires

Poète, romancier, nouvelliste, Pierre Chatillon propose à ses lecteurs les coloris multiples de sa large palette depuis plusieurs années. Chantre naïf d’une nature aimante, le titre de son dernier recueil va à ravir à son contenu, onze nouvelles qui, si les registres passent du grave à l’éphémère, du pastel à l’ivresse, n’en demeurent pas moins centrées sur quelques thématiques privilégiées : l’amour, la mort, la nature, le déracinement.

Prose poétique, mais aussi fantastique, alternant allègrement le classi­cisme du fantôme – « Ouiatchouane » – ou de la fée – « Caroline » – au déroutant merveilleux surréaliste – « L’Or »,  « Les Hirondelles ». Deux histoires seulement ne touchent pas nos registres de prédilections – « Gros Jacquot » et « La Vie en fleurs » –, versant plutôt dans un sain réalisme, deux textes excellents par ailleurs où l’auteur démontre bien sa qualité de conteur et de peintre des âmes esseulés. La nouvelle qui prête son titre au recueil s’avère un morceau de choix, soliloque impressionnant d’un vieil homme seul qui s’adresse à sa violette africaine.

Pour relier tout ce qui précède et qui peut paraître éclectique, un cri de ralliement, un besoin sans cesse exprimé, celui de l’harmonie. Avec la nature, avec la vie, avec la mort ; entre les hommes, les dieux… et l’imaginaire. Souvent, les personnages de Chatillon sont en quête : là où ils sont, ils ne ressentent pas leur place. Il leur faut partir, errer. La plus étrange quête sera celle de Lenoir qui rencontrera Émile Nelligan, voyageant sur son Vaisseau d’Or, déclamant de l’alexandrin sur des mers inexplorées. De belles images – Chatillon décrit toujours ses paysages et, plus souvent qu’à son tour, il saura donner le ton juste, le mot-clé pour engendrer la beauté, l’émerveillement – qui donneront cependant beaucoup de fil à retordre à la crédibilité de l’histoire et à sa logique interne. Mais la poésie a ses règles qui n’ont rien à voir, disent certains… N’empêche, il me semble qu’une plus grande rigueur aurait été de mise afin d’accentuer encore plus la force desdites images. Ainsi dans « L’Affût », la très grande crédibilité de ce chasseur de canard rend plus percutant le tableau d’ensemble et l’arrivée du Chasseur céleste.

Si la description se fait souvent lyrique, le propos quelquefois naïf – dans son sens de pureté – l’écriture, elle, demeure le plus souvent simple, accessible à tous. Une belle qualité, ma foi, surtout lorsque l’auteur s’aventure sur ces terrains mouvants de la poésie visuelle de l’imaginaire. Comme dans « Le Cœur de la nuit », par exemple, où un excès de ciselage aurait pu gâcher le résultat, ou dans « Caroline », ode à cette nature qui nous entoure de toute part et que notre siècle tend à oublier.

De par mes goûts personnels, des textes comme « L’Amour fou », histoire naïve du morceau de glace cherchant par tous les moyens à se faire aimer du soleil, me laisse froid – sans jeu de mots ! « Les Hirondelles », aussi, avec son envolée finale qui m’apparaît s’imbriquer mal à l’ensemble du texte – ajoutons au résumé plus bas que les hirondelles auront leurs petits et que ceux-ci voudront quitter le nid, ce à quoi s’objectera Belair, par trop heureux depuis leur arrivée. Mais il devra se résigner et, retournant sur la plage, il laissera ses regards errer sur la mer jusqu’à ce qu’ils deviennent des ailes qui lui permettront de quitter la Terre ! –, comme si cette dernière image venait tout simplement se plaquer là parce qu’il n’y avait pas d’autre place où la figer. Les qualités du texte, dans son ensemble, s’en trouvent fort amoindries et cette surprenante histoire de bouche-nid n’abou­tit finalement à rien de très percutant.

Malgré ces quelques problèmes, La Vie en fleurs demeure un excellent recueil. Un seul texte m’a paru réellement hors contexte, tant par son contenu que par son ton. Il s’agit de « La Subversion », histoire mal ficelée d’une machine à écrire à mémoires intégrées qui s’amuse à “imager” les dictées d’un homme d’affaires. L’intrusion de cet artefact fou nous rapproche d’une certaine manière de la science-fiction, bien que l’intention demeure fantastique dans l’esprit de l’auteur, à n’en pas douter. Mais l’imprécision des images, le négligé de la construction, l’absence totale de crédibilité de la machine, de la secrétaire, des réactions du personnage principal, ajoutés à une fin abrupte et frustrante, confirment le décalage de cette nouvelle par rapport aux autres.

La Vie en fleurs, premier recueil de la nouvelle collection publiée par les gens de chez XYZ, L’Ère nouvelle, confirme, si besoin était, le talent particulier de Pierre Chatillon. Sa voix, devenue reconnaissable parmi les trop nombreuses voix qui s’expriment actuellement sur le papier des livres, s’individualise ici encore plus. Espérons qu’il ne la taira pas avant longtemps. [JPw]

  • Source : L'ASFFQ 1988, Le Passeur, p. 49-52.

Références

  • Brulotte, Gaétan, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 945-946.
  • Gervais, Jean-Philippe, Solaris 84, p. 21-22.