À propos de cette édition

Éditeur
Boréal
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
236
Lieu
Montréal
Année de parution
1989
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[6 FA ; 10 HG]
Tigre au salon
Au sous-sol
Il s'appelle Théodore
Bonheur de voyager
Il Love Paris
La Réception
Ce qu'il y a
Le Survivant
La Fin de l'été
Lettre à Octave Crémazie
La Tête de Patrice Lacombe
Job, les trois amis, la Révolution tranquille et l'Autre (le Tout-Puissant)
Comédie
S.
Le Quintette de Schubert
L'Homme indigne

Commentaires

La Vie réelle rassemble seize nouvelles, dont six peuvent être qua­lifiées – à des degrés divers – de fantastiques. Les sujets, fort variés, s’inspirent de l’histoire littéraire québécoise du dix-neuvième siècle ou de la vie de tous les jours, présentent des situations susceptibles ou non – c’est selon – de survenir à des vacanciers, ou encore relèvent de la pure fantaisie.

Si les sujets diffèrent beaucoup d’un récit à l’autre, l’écriture, très homogène, assure en revanche l’unité du recueil. Il est évident que tous ces textes sont du même auteur. La langue, toujours claire et précise, n’est pas sans trouvailles. Certains passages particulièrement réussis fixent avec un rare bonheur l’instant fugitif et induisent une atmosphère délicate et poéti­que. Par contre, presque toutes les nouvelles prennent à partie (j’allais dire "assaille") le narrataire au moyen du « vous », et cela finit par être fort agaçant.

Les meilleures nouvelles (comme « S. », « Il s’appelle Théodore », « Comé­die ») rap­pellent Dino Buzzati par leur fraîcheur et leur douce fantaisie. Dans la plupart des récits fantastiques de Marcotte, les prota­gonistes ne se formalisent pas beaucoup de l’intrusion de l’insolite. Le fantastique ne prend pas une allure menaçante (sauf peut-être dans « Au sous-sol », et encore…) ; il mine en douce le réel, sans inquiéter les personnages – au contraire du fantasti­que classique (d’inspiration gothique), qui les conduit à leur perte. Tout se passe chez Marcotte comme si les personnages s’adap­taient au quotidien sans se préoccu­per de ses sautes d’humeur : dans la plupart des cas, le résultat est tout à fait charmant.

Certaines de ces nouvelles se signalent par leur originalité. « Il s’appelle Théodore » est un véritable petit bijou. Ce texte capte l’attention de la première à la dernière ligne. Non seulement la situation est cocasse – un homme seul et une famille à qui l’on a assigné la même chambre d’hôtel en sont réduits à négocier – mais, de plus, le lapin Théodore est tout à fait sympathique. Précisons que ce texte ne serait absolument pas fantastique si ce n’était de l’étrange faculté du lapin – d’ailleurs assez mal exploitée dans le récit. Je n’aurais pas retenu ce texte dans le corpus si je n’avais ressenti l’irrépressible désir d’en parler… La finale du récit est excellente : elle banalise encore plus – comme s’il en était besoin – la situation pour le moins inusitée décrite en long et en large dans la nouvelle.

« Au sous-sol » également est de fort bonne tenue. La chute du texte s’inscrit bien dans la perspective générale du récit et fait du propriétaire de la maison une sorte d’être élu par des forces mystérieuses personnifiées par un animal. Le héros fait figure de victime consentante, car il éprouve pour la bête une crainte mêlée de fascination       

« Bonheur de voyager » apparaît nettement moins intéressant. La fin est tout à fait tirée par les cheveux. Pourquoi le protagoniste doit-il devenir un arbre pour apprendre ce qu’il aurait fallu faire pour que sa maison soit vraiment celle de tout le monde ? On se le demande. Cette nouvelle souffre de problèmes liés à une logique déficiente, ou du moins inapparente. De plus, l’hésitation du personnage-narrateur au sujet de la ville où il séjourne – successivement Londres, Paris et Rio de Janeiro – embrouille inutile­ment, tout en ne répondant à aucune nécessité d’ordre narratif.

Dans « Job, les trois Amis, la Révolution tranquille et l’Autre (le Tout-Puissant) », l’épisode où le héros rencontre ses anciens amis est exagérément long en plus de présenter peu d’intérêt. L’échange entre les personnages, qui se déroule sur plusieurs pages, fait peu avancer l’action. Tout ce passage fait l’effet d’un prétexte utilisé par le narrateur pour exprimer sa vision du monde : un peu de concision eût été ici bienvenue. La seconde partie du récit – trop courte en regard de la première – est mieux réussie. Le personnage du Très-Haut réussit à étonner et à charmer à force de simplicité.

Dans « I Love Paris », la chute de la nouvelle pose problème encore une fois. Pourquoi faut-il que le majordome soit l’ancêtre du Montréalais ? Quel rapport cela entretient-il avec le sujet principal ? Et puis, que devient le personnage du Parisien ? L’identification du majordome avec l’aïeul paraît entièrement gratuite. La fin semble avoir été composée à la hâte, et c’est dommage, parce que l’entrée en matière suscitait l’intérêt

« Comédie » respecte en revanche toutes les lois de la cohérence narrative. Pendant toute la nouvelle, le cadavre intrigue, non les personnages, mais le lecteur. Comment se fait-il que ce cadavre reste étendu sur la scène si longtemps sans que personne ne s’avise de le faire disparaître ? D’où vient que les personnages semblent indifférents ou même sympathiques à sa pré­sence ? La conclusion du récit ne déçoit pas : appelée par le cadavre à jouer le rôle de tragédienne qu’elle était conviée à remplir de toute éternité, Madeleine, la directrice de la troupe, trouve enfin l’accomplissement de sa carrière. [LM]

  • Source : L'ASFFQ 1989, Le Passeur, p. 123-126.

Références

  • Greif, Hans-Jürgen, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 948-949.