À propos de cette édition

Éditeur
Librairie Garneau
Genre
Fantastique
Longueur
Nouvelle
Paru dans
Almanach Rolland agricole, commercial et des familles
Pagination
139-151
Lieu
Québec
Année de parution
1917

Résumé/Sommaire

À la faveur d’un arrêt causé par un bris mécanique de la locomotive, Paul Montgrand, un jeune homme charismatique, raconte aux passagers de son wagon l’aventure que son oncle a vécue il y a cinquante ans, précisément ici aux abords du lac Saint-Jean. Prosper Morin, réputé violoneux et incorrigible buveur, avait été l’otage de centaines d’êtres horribles en traversant le lac gelé le soir du 24 décembre. Il avait été contraint de chanter pour animer le sabbat des sorcières, des lutins et des Wendigos. Grâce à la médaille de sainte Anne qu’il avait invoquée, Prosper avait eu la vie sauve en jouant du violon pendant des heures jusqu’à épuisement des créatures monstrueuses qu’il avait fait danser. Toutefois, après cette nuit-là, son bras droit était resté à jamais paralysé.

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Commentaires

Le conte d’Ernest Bilodeau est un récit original, à l’écriture très maîtrisée, qui contient plusieurs éléments fort intéressants. L’auteur y oppose habilement le goût de la fête et de la danse chez les habitants de l’époque et une scène de sabbat au cours de laquelle Prosper Morin est assailli par des êtres hideux. Rarement a-t-on vu une description aussi précise de la physionomie des lutins (dotés d’une tête de cochon), des sorcières et des Wendigos (des géants à la figure difforme). Habituellement, le conteur cultive le flou pour permettre à l’auditoire d’imaginer le pire. Ce n’est pas le cas ici. La scène, d’une longueur inhabituelle, constitue le cœur du récit et permet à l’auteur d’intégrer une chanson populaire (« Mon père a fait bâtir maison ») dans la narration comme il arrive souvent dans la littérature du XIXe siècle.

Le texte joue beaucoup sur l’ambivalence : la danse dans les veillées, activité jugée suspecte par le clergé parce qu’elle peut conduire au péché, le violon, instrument qui, en incitant à la danse, peut s’avérer maléfique s’il est utilisé à mauvais escient. « Le Violon enchanté » contient aussi une mise en garde contre le fait de prendre à témoin le diable en l’invoquant à la légère et une allusion au conflit des générations quand le jeune Prosper se moque des histoires de Wendigos de la vieille dame Morin.

Parmi les autres atouts du récit, il faut souligner l’apport de la culture amérindienne souligné par la présence des Wendigos au sabbat et la représentation du paysage jeannois qui ajoute une touche d’authenticité avec la présence peu rassurante de l’Île-aux-Couleuvres située dans le lac Saint-Jean.

Enfin, si la protection de sainte Anne par l’entremise de sa médaille fixée au violon s’avère déterminante dans l’issue de cette nuit, elle n’empêche pas la sanction divine de frapper, le bras droit de Prosper étant désormais paralysé.

Malgré son message quelque peu édifiant mais sans lourdeur, le conte de Bilodeau réussit à maintenir un équilibre entre l’acceptable et le condamnable. En outre, il réunit plusieurs thèmes porteurs de la littérature fantastique qu’il orchestre en une synthèse vraiment réussie. [CJ]