À propos de cette édition

Éditeur
Fleuve Noir
Genre
Science-fiction
Longueur
Novelette
Paru dans
Escales sur l'horizon
Pagination
471-502
Lieu
Paris
Année de parution
1998
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Avant même que la jeune Princesse Amikissa ait pu établir un contact avec le Dolte Makresh qui vient de s’immiscer dans une Ruche, des Soldates se sont emparées de lui, à la grande déception de la Princesse. À grand renfort de substances chimiques dont les Ruches ont le secret, il est finalement conduit auprès de la Reine, à qui il est venu révéler un dangereux secret : les guerrières qu’on envoie aux Hériarques sont récupérées à des fins belliqueuses ; il est là pour leur demander de l’aide car tout ce que ces derniers veulent faire, c’est attaquer la Terre. Sans avoir l’air de l’écouter et sans lui montrer quelque respect que ce soit, et tout en ayant vite fait de s’en débarrasser comme d’une créature encombrante, la Reine se montre une dirigeante implacable. Elle vient de trouver le moyen de satisfaire les besoins d’émancipation de sa fille sans manquer de faire payer cher aux Hériarques d’avoir pensé qu’ils pouvaient abuser de la crédulité des Ruches.

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Commentaires

Le croisement de l’humain et de la bête, voilà qui a eu de quoi alimenter quelques récits de science-fiction et de fantastique. Yves Meynard, dans « Le Vol du bourdon », nous en propose une nouvelle variante. L’auteur se demande à quoi ressemblerait une société humaine fondée sur le déterminisme de l’abeille.

On s’imagine d’abord que c’est une métaphore (il y a des Ruches, par exemple, dans l’œuvre d’Élisabeth Vonarburg, mais ce mot est employé au figuré), mais on comprend vite que non ! c’est au sens propre que ces sociétés ont adopté, au gré de leur évolution technologique et de leurs transformations physiques, la structure des colonies d’abeilles. Cela signifie l’hyperspécialisation des individus – Reine souveraine, guerrières armées jusqu’aux dents, ouvrières efficaces – mais aussi et surtout une hyperefficience (au sens économique du terme) : quand on est conçue pour une seule et unique fonction et quand, de surcroît, on ne peut qu’obéir à l’ordre distillé par sa Reine, on devient d’une efficacité redoutable. Ça suppose aussi un monde où les bourdons, conçus uniquement pour l’heure où ils s’apparieront avec la Reine, sont un matériau jetable après usage.

C’est à cette société que se frotte le Dolte Makresh. Le récit nous parvient d’abord du point de vue d’Amikissa, la jeune Princesse qui voit en lui un compagnon de jeu. À quarante ans, elle n’est encore qu’une jeune fille (le traitement qui la fera devenir une Reine adulte ne lui a pas encore été administré) qui ne comprend pas bien l’ordre des choses et qui a bien hâte de sortir du monde de l’enfance pour fonder sa propre Ruche. Mais leur échange ne dure pas longtemps. Arrêté sous les yeux d’Amikissa qui le voit s’éloigner à regret, il sera soumis à un cruel cocktail de venins de différentes natures. Par la suite, le récit passera d’un point de vue à l’autre : Amikissa, le Dolte Makresh et la Reine, qui fait bientôt son entrée.

Il s’agit d’une nouvelle très dense, car en quelques pages (32) elle raconte une histoire au moyen d’une focalisation variable, tout en brossant le tableau d’une planète dont la logique effroyablement efficace nous est presque totalement étrangère, sans manquer de révéler en quelques coups de pinceau évocateurs les règles d’un système politique interplanétaire. Arriver, au milieu de cela, à nous faire partager la frustration d’une jeune fille qui a hâte de devenir Reine et les frustrations d’une Reine qui doit agir pour le bien de sa Ruche relève du défi.

Toutefois, on ne comprend pas vraiment pourquoi le Dolte Makresh est venu se fourrer entre les mandibules des habitantes de cette planète. Il est question d’une vague guerre sournoise que son intervention est censée retourner à l’avantage des siens, mais les kamikazes ne font pas de bons personnages, et on saisit mal comment il a pu ainsi se bercer d’illusions et penser qu’il pouvait faire entendre raison à une Reine. La logique des Ruches sort clairement gagnante face à l’irrationnel humain.

Cela dit, la nouvelle est écrite de manière très sensible, malgré la cruauté du monde qu’elle décrit. Et c’est peut-être même une stratégie de l’auteur que de nous avoir présenté un personnage humain de sexe masculin, faible et dérisoire, qui ne nous rend que plus attrayante la force tranquille des Ruches et nous donne envie de nous identifier (mais peut-être est-ce parce que je suis une femme) à ces Reine, Soldates et Ouvrières et Princesse singulières. [SBé]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 117-118.