À propos de cette édition

Éditeur
Intrinsèque
Titre et numéro de la série
Contes et Légendes des Îles-de-la-Madeleine - 2
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
127
Lieu
Montréal
Année de parution
1976
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[18 FA ; 17 HG]
Alphonse pris dans la tempête
Antoine et le Dieu Pan
Arsène le crieur
Jésus de la dune du nord
La Bataille du Bassin aux huîtres
La Caverne du pirate McQuaig
La Danse des dauphins
La Fée Noël
La Grande Noirceur
La Légendu du moine qui prie
La Manne de harengs
La Seine à hareng
La Tabagane enchantée
La Tache d'encre
Le Cri du « banshee »
Le Gardien de boucanerie
Le Jardin magique
Le Jour où le fond de la mer se fâcha
Le Monstre marin
Le Mystère de la maison sur la falaise
Le Pirate Blue Belly
Le Quêteux
Le Temps des fêtes aux Îles
Le Vieux Sapin
Le Vieux Sorcier
Les Deux innocents
Les Habitants du plâtre à Arsène
Les Joueurs de poker… et le diable
Les Nymphes du bois à Phil
L'Église sortie du naufrage
L'Homme à la pipe de plâtre
L'Idiot du canton du Grand-Ruisseau
L'Oiseau de malheur
Phil, l'enfant terrible
Todore, l'homme à l'aéroplane

Commentaires

Ce second recueil de contes et de légendes de la main d’Azade Harvey, nous apprend la préface, n’est pas strictement un exercice de transposition à l’écrit de récits provenant de l’oralité. En effet, certains de ces textes sont une création de l’auteur, lequel, toujours selon la préface, ne se présente pas comme un écrivain, mais simplement comme un cheminot avec peu d’éducation écrivant en dilettante, inspiré en cela par la mer et l’air salin des Îles-de-la-Madeleine – processus créatif qui correspond somme toute à la démarche traditionnelle du conteur, même contemporain, lequel prospecte le minerai de son art à même les racontars des villages qu’il côtoie avant de leur donner une signature toute personnelle. D’oralité en oralité, de conteur en conteur, de conteur à la transposition écrite, les contes et légendes se transforment, se métamorphosent, au grand bonheur du public. Cette subjectivité n’enlève donc rien, à mon avis, à la qualité folklorique de l’ensemble, lequel respire le vent du large et les mystères insulaires.
Évidemment, ce qui nous intéresse ici, ce sont les contes et légendes à saveur fantastique, majoritaires parmi les trente-cinq courts textes (3 pages en moyenne) que comprend le recueil. Dix-huit textes possèdent ainsi des thèmes fantastiques, et leur relevé offre d’intéressantes perspectives. Voici leur classification, où seuls sont concernés les dix-huit contes appartenant au fantastique, les autres ayant été exclus :

Thèmes fantastiques relevés Occurrences Titre des nouvelles
Créature féerique 8 Antoine et le Dieu Pan
    La Fée Noël
    La Tabagane enchantée
    Le Gardien de boucanerie
    Le Quêteux
    Le Vieux Sapin
    Les Habitants du plâtre à Arsène
    L’Idiot du canton du Grand-Ruisseau
Objet enchanté 4 La Tabagane enchantée
    La Tache d’encre
    Le Jardin magique
    Le Vieux Sapin
Fantôme 4 La Caverne du pirate McQuaig
    La Légende du moine qui prie
    Le Cri du « banshee »
    Le Mystère de la maison sur la falaise
Aspect festif 3 Antoine et le Dieu Pan
    La Fée Noël
    L’Idiot du canton du Grand-Ruisseau
Guérison miraculeuse 3 Jésus de la dune du nord
    L’Oiseau de malheur
    Le Vieux Sorcier
Exploration 2 La Caverne du pirate McQuaig
    La Légende du moine qui prie
Figure du diable 2 Les Joueurs de poker… et le diable
    L’Oiseau de malheur
Figure biblique 2 Jésus de la dune du nord
    Les Joueurs de poker… et le diable
Sorcellerie 1 Le Vieux Sorcier

Les huit occurrences d’une créature de nature féerique donnent ainsi le ton au recueil : magie, envoûtement, émerveillement ; et surtout, surtout, lutins. Les petits bonhommes barbus et joyeux du petit peuple sont en surnombre, responsables de quatre occurrences à eux seuls. Harvey en a fait l’esprit dominant des Îles, représentatifs qu’ils sont de la chaleur des Madelinots, laquelle s’illustre dans la fête (3 occurrences), la danse et le pragmatisme des insulaires. Dans les Îles, Pan lui-même délaisse ses atours inquiétants, le temps de sortir sa flûte et de giguer avec les gnomes colorés. D’ailleurs, dans « Antoine et le Dieu Pan », superbe conte, délicieux par sa représentation naïve du faune devenu si inquiétant depuis Arthur Machen, il en vient même à avouer apprécier la compagnie des Madelinots, invitant l’un des leurs à sa bacchanale.
Le nombre effarant de naufrages au large des Îles-de-la-Madeleine alimentant les conteurs de centaines de récits d’aventures maritimes, c’est sans surprise qu’on retrouve dans le recueil un lot de contes portant sur les fantômes, les trésors, les objets enchantés – et même, les pirates (« La Caverne du pirate McQuaig » ; à ce sujet, mentionnons, au passage et avec délectation, la légende « Le Pirate Blue Belly » qui, si elle n’est pas à proprement parler fantastique et n’a donc pas sa place au sein de notre palmarès, demeure suffisamment prenante pour y mériter une digression). Sans vouloir faire un mauvais jeu de mots, la seule ombre au tableau concerne malheureusement la légende qui m’avait d’abord fait saliver d’envie ; car si on se réjouit de la présence du banshee dans le folklore fantomatique des Îles, il faut admettre que « Le Cri du “banshee” » demeure, pris comme strict texte littéraire, trop convenu et sans originalité, ne réussissant pas à créer une véritable atmosphère fantastique… comme si l’auteur ne se sentait pas lui-même à l’aise dans ce genre.
Certaines mauvaises langues seraient alors tentées de supposer qu’il ne s’agit là rien de moins que de l’aveu tacite des limites d’un prolifique amateur, mais d’un amateur néanmoins ; comme en font d’ailleurs foi les nombreuses répétitions qui parsèment le recueil. À ceux-là, je réponds qu’ils oublient l’oralité indissociable du conte, et comme les répétitions peuvent permettre de conserver éveillé un public endormi, celles-ci peuvent être incluses dans l’écriture même du texte, véritables témoins de cette gymnastique orale, au même titre que l’inclusion de l’argot et du dialecte propre aux Madelinots. On se croirait en pleine soirée de contes autour d’un verre et d’un feu de bois ; aussi, il va sans dire que « Le Cri du “banshee” » gagnerait en substance fut-il déclamé à voix haute par un conteur en chair et en os. C’est pittoresque, et on en redemande.
Un mot, avant de terminer, au sujet de la présence de thèmes relevant du mythe judéo-chrétien (figures bibliques et diaboliques, de même que les occurrences de guérisons miraculeuses). Azade Harvey dépeint les Madelinots, dans ses contes et légendes, comme un peuple d’un pragmatisme étonnant en ce qui concerne le sacré et le surnaturel en général. Si les insulaires étaient un apôtre, ils seraient Thomas, désirant voir avant de croire – autant en ce qui concerne les fantômes et les fées que la religion. En cela, le recueil conserve une saveur locale qui lui est propre, toute maritime, et qui se transmet justement par les dialogues des personnages, traces indélébiles de cette oralité proche du joual et de ce flegme insulaire, signature hospitalière des Îles-de-la-Madeleine – même lorsque l’interlocuteur est Jésus de Nazareth (« Jésus de la dune du nord »)… [MRG]

  • Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 244-250.