À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
La Presse
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
139
Lieu
Montréal
Année de parution
1978
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[10 FA ; 13 HG]
La Cérémonie
Inès de Tharsis
La Dernière Nuit d'Eléonora Tobbs
Sirix
Le Joachim d'Elsa
Les Cyclopes du jardin public
La Baronne Erika von Klaus
Le Chemin de Chèvres
La Commodité
Rollon
La Cueilleuse
Tara
La Visiteuse
« Elle passait sur le pont de Tolède, en corset noir »
Bethsabée
L'Oie impériale de Li Ming-Tchou
Fantaisie sur Les deux courtisanes du Carpaccio
Fantaisie sur deux portraits de Piero della Francesca
Fantaisie sur Le concert du Giorgione
Fantaisie sur L'annonciation de Boticelli
Les Trolls
Le Collectionneur de naines
Le Scribe

Autres parutions

Commentaires

Ce recueil divisé en trois parties se compose de vingt-trois « contes » de nature disparate. Dix d’entre eux, concentrés dans la première partie, peuvent être qualifiés de fantastiques.
Ici l’anecdote et l’action occupent une place des plus secondaires. Marie José Thériault est d’abord et avant tout une créatrice d’atmosphères, d’univers bizarres qu’elle brosse de façon succincte : six des dix textes fantastiques, dont « La Cérémonie », la nouvelle inaugurale, comptent ainsi deux ou trois pages à peine. Mais la concision y est justement pour beaucoup dans cette étrangeté que l’écrivaine cultive avec un malin plaisir, et dont, par ailleurs, elle use sans retenue. À force, on en vient même à s’y perdre un peu, comme c’est le cas, en particulier, avec « La Visiteuse », conte éminemment ambigu où s’entremêlent fantastique, érotisme et lyrisme. Qui est-elle, cette évanescente visiteuse : une femme réelle, de chair et d’os, ou alors un fantasme issu des désirs obsessifs du narrateur ? Quant à ce dernier, quel sort connaît-il à la fin, lui qui « glisse » tandis que « le lac noir confond la cendre terne » de sa cigarette ?
Les univers mis en scène dans La Cérémonie se distinguent aussi par leur absence de repères spatio-temporels précis et prennent, ce faisant, un caractère surréel et décalé. À cet égard, « Les Cyclopes du jardin public » est assurément la nouvelle la plus emblématique du recueil. On y suit, sur une dizaine de pages, l’errance angoissée d’un homme égaré dans un port anormalement silencieux, et dans une nuit d’une opacité totale. Le monde entier semble vidé de toute présence humaine et animale, et l’espace même, qui alternativement et capricieusement se dilate et se rétrécit, constitue une menace. Puis tout à coup, des néons illuminent un quartier chinois surgi d’on ne sait où alors qu’apparaît une très attirante Eurasienne : un piège, à n’en pas douter, comme le sont chez Thériault la grande majorité des personnages féminins, souvent campés en femmes fatales, vénéneuses, et foncièrement funestes à leurs vis-à-vis masculins. C’est peu de dire qu’avec elles, une femme en cache une autre, car en réalité elles sont louve, goule, araignée, ou encore cannibale, et assez effrayantes de cruauté – une cruauté en quelque sorte joyeuse, et que Thériault manie avec une évidente délectation.
Le fantastique façon Marie José Thériault puise à la métempsychose et au féminisme, et aussi à la grande culture. Le titre « Elle passait sur le pont de Tolède, en corset noir » est un vers tiré du poème « Guitare », de Victor Hugo – poème que l’écrivaine utilise à sa manière –, tandis que « Bethsabée » donne la parole à une figure féminine bien connue (femme mariée à un soldat, et convoitée par le roi David qui l’a vue nue au bain), mais passive sinon muette, de l’Ancien Testament, au profit d’une jouissive et réjouissante réécriture du récit biblique.
Le style est parfois ampoulé, mais il s’agit d’un défaut bien mineur compte tenu de la causticité et de l’irrévérence qui caractérisent l’ensemble du recueil. [FB]

  • Source : Les Années d'éclosion (1970-1978), Alire, p. 391-393.

Références

  • Lord, Michel, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VI, p. 117-119.
  • Spehner, Norbert, Requiem 26, p. 14.