À propos de cette édition

Éditeur
La courte échelle
Titre et numéro de la collection
Roman + - 51
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
143
Lieu
Montréal
Année de parution
1998
ISBN
9782890213104
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

Jessie et Hendrix s’évadent d’un centre de détention pour jeunes délinquants, le premier ayant été condamné pour divers vols, le second pour le meurtre d’un policier. Ils trouvent refuge à Montréal dont la surpopulation leur garantit l’anonymat souhaité. Sans argent et sans toit où dormir, ils se résignent à s’installer provisoirement dans un petit réduit humide et froid accessible par les égouts souterrains de la ville. Mais il leur faut manger et, surtout, se procurer du crapok, une drogue dont ils doivent consommer une dose quotidienne. Ils repèrent un jeune pusher qui consent à leur céder quelques ampoules de crapok en échange d’un couteau tout en les prévenant que la prochaine fois, ils devront payer en argent.

Jessie met à profit son expérience en électronique pour détrousser un guichet automatique. Il vole aussi quelques pièces électroniques car il a fait une promesse à Hendrix : lui fabriquer des prothèses qui remplaceront ses bras et ses mains afin qu’il puisse jouer à nouveau de la guitare. Pour se venger du meurtre d’un collègue, les Yocops, corps policier chargé spécialement de la surveillance des jeunes, lui ont en effet amputé les deux bras.

Quand Jessie veut acheter une grande quantité de crapok, le jeune pusher le met en présence de Hulk, le chef des Strickfaden qui contrôlent le trafic de la drogue à Montréal. Hulk lance un ultimatum à Jessie : ou bien il se joint au gang, ou bien il quitte la ville. Jessie veut garder sa liberté et défie l’ultimatum. Poursuivi par les Yocops et les Strickfaden, Jessie se réfugie chez une petite magicienne qu’il a connue quelques jours auparavant. Ariane lui vient en aide et lui parle d’un pays merveilleux, Mirlande, où il fait toujours beau, où il n’y a plus de haine ni de misère. Hendrix ayant été tué par les Strickfaden, Jessie est maintenant prêt à s’en remettre à Ariane afin de quitter le monde laid et injuste dans lequel ils vivent.

Première parution

Nocturnes pour Jessie 1987

Autres parutions

Commentaires

Les Chemins de Mirlande est une nouvelle version de Nocturnes pour Jessie, roman de science-fiction paru en 1987 chez Québec/Amérique. Denis Côté a respecté les grandes lignes de l’intrigue de la version originale mais il a raccourci de façon importante (environ 25 %) le texte. Décision commerciale dictée par son éditeur, La courte échelle ? Pour ma part, je n’avais pas noté de longueurs dans le récit de Nocturnes pour Jessie. Plus significatives sont les modifications apportées dans le texte, notamment en ce qui a trait aux noms propres. Dans la première mouture, Côté plongeait le lecteur dans un univers latino-américain. La ville de Beyr pouvait évoquer Mexico, par exemple, tandis que le nom du corps policier chargé de la surveillance des jeunes, les Juvénos, renforçait cette impression. Dans Les Chemins de Mirlande, Beyr est devenue prosaïquement Montréal, les Juvénos sont maintenant des Yocops, le Mardouk a été remplacé par le crapok et le chef des Strickfaden, Rhésus, s’appelle maintenant Hulk !

À la lumière de ces changements, on remarque une américanisation du roman, une déplorable concession à la culture de masse dominante. Pour tout dire, l’opération ressemble beaucoup à ces remakes américains de films européens (Nikita, L’Homme qui voulait savoir, Trois hommes et un couffin et, plus près de nous, Louis XIX) qui dénaturent l’œuvre originale. De plus, en transposant l’histoire au Québec et à Montréal et en situant l’action en 2025 ou 2026 (alors que l’époque était indéterminée dans la version originale), Côté a considérablement appauvri l’imaginaire qui portait son récit. En le balisant, il l’a banalisé.

Autre conséquence de cet appauvrissement : le pays imaginaire de Mirlande, dans lequel Ariane et Jessie disparaissent à la fin du roman original, est devenu une métaphore du bonheur dans la nouvelle version. « L’important, ce n’est pas de le trouver. C’est de le chercher ! », dit Jessie dans les dernières lignes. Tout un changement de perspective ! On n’est plus dans l’imaginaire, on est dans la réalité la plus plate. Ce qui me fait dire que Denis Côté a émasculé son récit, il l’a « téléromanisé ». Au point que, même si l’intrigue est située en 2025, j’ai peine à considérer Les Chemins de Mirlande comme un roman de science-fiction.

Côté a corrigé les incohérences relevées dans la version originale mais il en introduit une autre de taille. Jessie est incarcéré en juin et il s’enfuit de sa prison un an et demi plus tard, ce qui nous permet de situer l’action en hiver. Or toutes les informations livrées par le récit font état d’une température estivale. À moins que l’effet SF réside dans cette incongruité ?

Je tenais (et tiens toujours) Nocturnes pour Jessie pour l’un des meilleurs romans de Denis Côté mais le résultat de sa réécriture m’apparaît catastrophique. Il y a là une désolante abdication devant l’impérialisme de la culture américaine. Appauvrissement de l’imaginaire, mais aussi appauvrissement de la culture en général (la grande culture classique) car l’auteur a éliminé toutes les références à David Copperfield de Charles Dickens, à Chopin (d’où le changement du titre, devenu obsolète), à Mozart, à Bach… Que cette dénaturation soit l’œuvre de l’auteur lui-même me déçoit énormément. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1998, Alire, p. 62-63.