À propos de cette édition

Éditeur
Leméac
Genre
Fantastique
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
115
Lieu
Montréal
Année de parution
1996
ISBN
9782679318622
Support
Papier

Résumé/Sommaire

Olivier Martin, jeune homme de dix-sept ans issu de parents adeptes de méditation transcendantale et de bed-in, est en plein questionnement existentiel. Contrairement à ses aînés, dont il est en quelque sorte l’antithèse, il envisage de travailler dans un bureau. Afin de voir plus clair dans ses projets d’avenir, il décide de passer l’été au chalet, avec pour unique compagnie sa voisine Olga Streifler, qui a l’âge de sa mère. Olga prétend qu’en prenant la pose de l’eider qui dort (l’eider étant un grand canard des pays du Nord), elle peut entendre une voix à l’intérieur de sa tête. Et cette voix possède une identité spécifique, soit celle d’Étienne Durand.

Au fur et à mesure qu’Olivier va visiter Olga, dont il tombe amoureux, il écoute à son tour les récits d’Étienne, un musicien qui vit dans un réseau intangible. En effet, après la « fin du monde », Étienne et plusieurs autres artistes auraient été enfermés dans cet espace constitué de cellules individuelles. Les seules interactions ont lieu à l’heure des repas, les pensionnaires étant malheureusement dans l’impossibilité de tisser des liens, compte tenu qu’ils ne se croisent qu’à une unique reprise au cours de leur emprisonnement. Le frère cadet d’Étienne, Carl, un ténor auquel son aîné est très attaché, est également cloîtré dans ce réseau quasi infini, tout comme Dieu et des… ours.

Bientôt, les récits d’Olivier et d’Étienne se confondent, à mesure qu’Olivier laisse le discours d’Étienne prendre de l’ampleur. Le jeune homme se retrouve pensionnaire d’un hôtel de Montréal, dans le quartier du Red Light, à attendre en vain Olga, perdant de plus en plus ses repères. Pendant ce temps, Étienne pense avoir créé Krochnov, qui serait en fait l’instigateur du réseau…

Commentaires

Cinquième ouvrage de Lise Vaillancourt, L’Été des eiders renoue sans contredit avec ses penchants pour la poésie. Bien que l’écriture soit assez cérébrale, parfois même clinique, le souci stylistique de l’écrivaine est perceptible. La construction de ce roman va également en ce sens, alternant les chapitres entre les récits d’Olivier et d’Étienne. Nous avons droit à un long passage formaliste qui m’a paru assez indigeste, dans lequel deux discours se confondent, l’un d’entre eux étant en lettres capitales (ce qui, pour saisir les deux voix, nous oblige à lire attentivement cet extrait à deux reprises). Ce procédé, situé vers la fin du récit, contribue à affaiblir le dénouement, qui constitue la partie la moins solide du livre.

Les premiers chapitres sont assez intrigants, avec cette voisine qui entend la voix d’Étienne dans sa tête en prenant la pose de l’eider endormi. De même, l’attrait du jeune Olivier pour cette femme plus âgée, qui lui apprend à écouter autrement, est aussi intéressant.

Néanmoins, Olga est rapidement éclipsée au profit des récits d’Étienne, dans lesquels il se passe peu de choses. L’existence dans les cellules du réseau est morne et répétitive, et le musicien ne peut que se rattacher à ses souvenirs d’enfance. Mais ceux-ci manquent d’intensité ou sont un peu naïfs, comme ce coup de foudre dévastateur pour une femme entrevue à une unique reprise à un coin d’une rue, dont Étienne ne connaît rien du tout, à commencer par le prénom. Quelques passages recèlent toutefois une plus grande charge émotive, notamment lorsque le jeune musicien, dans le traversier entre l’Angleterre et la France, se « m[et] debout sur le bastingage en criant : “Mon frère c’est la Manche et moi, je veux aller me repêcher en lui” ».

Dans ce roman plutôt froid, l’écriture ne possède pas la fluidité nécessaire pour permettre de se laisser porter par l’enchaînement des phrases. Rarement ai-je trouvé 115 pages aussi longues à lire… Pourtant, il y a plusieurs belles trouvailles dans cette histoire, des moments bien sentis, comme ce chapitre où Olivier et une collégienne prostituée étudient la chimie… Mais L’Été des eiders m’a semblé dépourvu de chaleur et d’intensité, surtout pour rendre compte de l’enfermement d’Étienne dans le réseau (ne devrait-il pas plus vite succomber à la panique ?) ou du désarroi d’Olivier, lâchement abandonné par Olga, son premier amour (ne devrait-il pas avoir le cœur davantage brisé ?).

Le fil narratif est par conséquent ténu dans ce livre qui plaira avant tout aux fervents de littérature avant-gardiste. Étienne aura même ces mots, à la fin du roman, qui en disent long à propos de son histoire : « Mon récit a-t-il été aussi inutile que je le pense ? Quand on commence une histoire, il faut savoir où l’on arrivera. Il faut se tracer un but. Il faut rejoindre, par les chemins que l’on s’invente, le but que l’on s’était donné au départ. Il faut tenir son auditeur en haleine […]. Peut-être […] ai-je perdu le sens de ce qui était vivant ». Doit-on y voir une confession de l’auteure à propos de sa mince trame narrative ? Ou doit-on envisager ce récit selon les paramètres du rêve, comme le suggère la notice biographique en quatrième de couverture ? Si oui, L’Été des eiders réussit davantage son pari en nous permettant d’accéder « à la loge du songe que [l]es Amérindiens situent au centre des quatre lobes du cerveau ». [AG]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 200-202.

Références

  • Audet, René, Québec français 104, p. 15.
  • Bertin, Raymond, Voir (Québec), 03/09-10-1996, p. 22.
  • Campion, Blandine, Lettres québécoises 86, p. 25-26.
  • Martel, Réginald, La Presse, 08-09-1996, p. B 3.