À propos de cette édition

Éditeur
Québec/Amérique
Titre et numéro de la collection
Littérature d'Amérique
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
159
Lieu
Montréal
Année de parution
1993
ISBN
9782890376465
Support
Papier
Illustration
Jacqueline Deschamps

Résumé/Sommaire

[7 FA ; 5 HG]
La Fiancée d'Archi
Un air de famille
La Photo dans le médaillon
Les Yeux du brouillard
Passiflora Herbertiana
Je vais le tuer
Le Chat de Bill Marlow
L'Affaire
Faites-moi de l'air
Un pet de lapin
La Chamine à escouer la pecho
Le Penseur

Commentaires

Florent Veilleux est un patenteux, un touche-à-tout, un artiste multidisciplinaire qui crée des installations cinétiques n’ayant d’autre ambition que de surprendre et d’amuser. À l’été 1993, il a exposé ses machines articulées dans le cadre d’une exposition intitulée L’inutile ne sert à rien. L’équivalent littéraire de cette exposition, en quelque sorte, est ce recueil de nouvelles, La Fiancée d’Archi, éloge de l’inutilité, pied de nez aux personnes qui se prennent au sérieux. Se moquant des penseurs et des faiseurs de tout acabit, Veilleux débusque les postures intellectuelles et révèle dans un grand rire la vacuité de nos vies.

La nouvelle « La Chamine à escouer la pecho » – permettez que je traduise : La Machine à secouer la poche – représente assez fidèlement l’esprit d’invention qui anime et allume l’auteur. L’inventeur de sa nouvelle, Jean-Philippe Grandmoulin, a consacré une partie de sa vie à assembler une machine parfaitement inutile, ramassis hétéroclite de matériaux recyclés, qui reproduit la mécanique… du coït. La lecture aurait pu être amusante sans se voir imposer la dyslexie de l’inventeur qui finit par agacer royalement.

Encore plus énorme est la caricature de la bêtise humaine nourrie par les faux prophètes dans « Le Penseur », dernière des douze nouvelles du recueil. Plus on avance dans la lecture de celui-ci, plus l’irritation nous gagne, d’ailleurs. C’est qu’il y a beaucoup trop de facilité dans l’écriture de Veilleux, de scories qui rompent le charme. Mais tout n’est pas à jeter, le meilleur étant généralement les nouvelles fantastiques qui explorent diverses tonalités, du ludique (« La Fiancée d’Archi ») au compassé (« Les Yeux du brouillard »). De plus, l’auteur affiche une prédilection pour les animaux domestiques, particulièrement les chats et les chiens. Visiblement, il préfère la compagnie des bêtes à celle de ses semblables qu’il juge ennuyante et futile.

Dans « Un air de famille », Julien, devenu une épave depuis la mort de sa mère, est sauvé du suicide par un petit chat abandonné qui lui redonne goût à la vie et en qui il croit voir une réincarnation de sa mère. Dans la nouvelle qui donne son titre au recueil, Veilleux s’amuse à imaginer une chatte (Pimprenelle) et un chien (Archibald) se transformant en humains pour reproduire les jeux de séduction auxquels se livrent leurs maîtres. En fait, l’auteur cherche une façon de renouveler la représentation de la relation amoureuse en la transposant dans l’univers animal.

Dans « Passiflora Herbertiana », la relation amoureuse, en investissant le monde végétal, se double d’une conscience écologique qui prône le respect de la nature. Dans cette nouvelle dont le lyrisme amoureux rappelle les envolées poétiques de Pierre Chatillon, Veilleux célèbre la beauté sauvage de la nature en faisant preuve d’une émouvante sensibilité. Plus convenue, mais tout aussi tragique, la nouvelle « Les Yeux du brouillard » ressasse la douleur d’un homme dont la femme s’est suicidée. Dans une ambiance gothique qui joue habilement sur la confusion des sens du protagoniste, Peter More, l’auteur opère une fusion du spectre de la morte avec la nature qui s’allient ainsi pour aider le mari inconsolable à rejoindre sa bien-aimée.

Passons sur deux nouvelles humoristiques, « Faites-moi de l’air » et « Un pet de lapin », dont la légèreté n’a d’égale que la futilité et dont la nature fantastique repose uniquement sur le fait de mettre Dieu en scène.

Enfin, « La Photo dans le médaillon » représente sans doute la nouvelle la plus authentiquement fantastique en raison de son thème classique. C’est peut-être aussi celle qui incarne le mieux l’idéal de littérature aux yeux de l’auteur. Malgré ses prétentions et les apparences, Florent Veilleux ne fait pas que l’éloge de l’inutile et sa misanthropie n’est pas généralisée. Il y a dans cette nouvelle une véritable foi dans la beauté et la chaleur humaine qui passe par les mots d’un enfant écrivain, seuls capables de sauver le monde. Malheureusement, compte tenu des facéties et des contrepèteries qu’il accumule dans son recueil, distillant la désillusion face à la bêtise humaine, l’auteur donne l’impression de ne plus y croire vraiment. Et le fantastique, trop dilué ou disparate pour charpenter ce recueil, ne sauve pas la mise.

J’applaudis à cet éloge de la futilité, qui est aussi une façon de lutter contre la tendance à tout transformer en produit commercial, de s’inscrire à contre-courant de la productivité et de la rentabilité à tout prix. Trop souvent, cependant, l’écriture de Florent Veilleux nous ballotte entre l’émerveillement et l’irritation. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1993, Alire, p. 191-193.

Références

  • Dupuis, Simon, Solaris 108, p. 36.
  • Lacroix, Pierre, Temps Tôt 27, p. 27.
  • Salducci, Pierre, Le Devoir, 14/15-08-1993, p. B 9.