À propos de cette édition

Langue
Français
Éditeur
Paulines
Titre et numéro de la collection
Jeunesse-pop - 55
Genre
Science-fiction
Longueur
Novella
Format
Livre
Pagination
124
Lieu
Montréal
Année de parution
1986
Support
Papier

Résumé/Sommaire

À l’occasion du lancement du 20e numéro de leur magazine littéraire Malpertuis, les responsables de cette revue, Francine Sauvé et René Vandal, rencontrent un homme qui dit s’appeler Robert Moraine, du nom du célèbre héros des romans d’aventures d’Henri Vernet. Robert leur confie qu’il se sent traqué. Il a reçu dernièrement des menaces de mort qu’il croit l’œuvre de la Pénombre Jaune. Pourtant, Moraine sait bien que celle-ci n’est qu’un personnage fictif sorti de l’imagination d’un écrivain. Mais lui-même s’est tellement projeté dans le personnage de Bob Moraine qu’il ne sait plus s’il est le jouet de son imagination. Il espère donc que Francine et René, tous deux experts en littérature de jeunesse, pourront éclaircir ce mystère.

D’abord incrédules, les deux confidents de Moraine seront aux prises avec les mêmes phénomènes inexplicables et vivront une série d’aventures en compagnie de leur nouvel ami. En sortant de l’appartement de Moraine, le trio se retrouve au cœur d’un labyrinthe. Après plusieurs tentatives infructueuses, il découvre enfin la sortie qui donne sur une clairière enneigée, entourée de toutes parts par la forêt. Un sentier le conduit bientôt à un temple asiatique où il se réfugie, poursuivi par des soldats mongols du XIVe siècle, les redoutables guerriers de la Pénombre Jaune. De corridors en conduites d’égout, le trio aboutit ensuite dans une ville infernale où il sera sauvé in extremis de la fureur destructrice d’un robot géant par le fidèle compagnon de Bob, Bill Ballantrae.

Après ces péripéties, la vie reprend son cours normal. Entre-temps, Francine avait contacté l’écrivain Henri Vernet. Elle apprend que les événements qu’a vécus Robert Moraine sont identiques à ceux que Vernet a imaginés dans un roman qui doit paraître après sa mort, roman dans lequel Bob Moraine est tué par son ami Bill tombé sous l’emprise de la Pénombre Jaune. Francine et René feront tout ce qu’ils peuvent pour empêcher la fiction de Vernet de se réaliser et ils demanderont son aide afin de changer le dénouement du roman.

Finalement, Bob Moraine, Francine, René et Henri Vernet seront enlevés et amenés devant la Pénombre Jaune qui est sur le point de prendre le contrôle de la Terre. S’engage alors une confrontation ultime, non pas entre les deux grands ennemis, Bob Moraine et la Pénombre Jaune, mais entre celle-ci et son créateur. Qui l’emportera ?

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Commentaires

Je ne sais pas si les adolescents d’aujourd’hui lisent encore les aventures de Bob Morane par Henri Vernes. Je me rappelle qu’à l’âge de douze ou treize ans, alors que j’étais pensionnaire, j’en lisais un roman par week-end. C’est au cours de cette année-là que j’ai vraiment pris goût à la lecture. En ce sens, Henri Vernes aura été un auteur marquant pour moi comme il l’a été aussi pour Denis Côté qui lui rend un hommage bien senti dans La Pénombre Jaune.

Le soir même où il recevait le Grand Prix 1984 de la Science-Fiction et du Fantastique Québécois, Denis Côté m’avait longuement entretenu d’Henri Vernes, de sa série de Bob Morane. Il m’avait dit toute l’admiration qu’il éprouvait pour cet écrivain populaire, doté d’une imagination débordante et d’un style alerte et très efficace. Pour lui, Henri Vernes représentait un modèle idéal dans le domaine de la littérature populaire qu’il avait élevée à un haut niveau de qualité.

Ce n’est donc pas une surprise de voir aujourd’hui Denis Côté mettre en scène un émule du héros d’Henri Vernes, dans un livre rempli de clins d’œil aux admirateurs de cet aventurier qui a sans doute inspiré Indiana Jones. Tous les personnages importants de cette série, l’Ombre Jaune, Bill Ballantine et Tania Orloff, sont convoqués aux retrouvailles et c’est avec une certaine nostalgie qu’on les revoit. Comme pour bien d’autres sans doute, Tania, la nièce de l’Ombre Jaune, aura été pour moi le symbole de la beauté féminine. Ah la belle Eurasienne ! Mais trève d’attendrissement !

Si le roman de Côté n’était qu’un prétexte pour ressasser de beaux souvenirs de lectures de jeunesse, il risquerait de tomber dans la complaisance et de nourrir inutilement et vainement l’obsession du passé. Mais c’est aussi un roman d’aventures qui fonctionne de lui-même, que le lecteur connaisse ou pas le héros de Vernes. Dans ce dernier cas, il se privera tout simplement du plaisir d’une lecture au deuxième degré mais ne sera pas pour autant floué car Côté lui propose de l’action et une réflexion sur la création.

Le roman est habilement construit, intégrant avec assez de bonheur les éléments récurrents de l’œuvre de Vernes. Cependant, en choisissant de situer l’action à Québec, l’auteur perd une dimension à mon avis importante : la recherche d’exotisme. L’Amazonie, Bornéo, le Proche-Orient et l’Inde sont des endroits qui demeurent remplis de mystères et dont Vernes a tiré profit tout au long de sa série. On ne retrouve pas cette magie dans le roman de Denis Côté.

Par ailleurs, la présence de Francine Sauvé et René Vandal dans le récit introduit un effet de distanciation puisque tout en vivant les mêmes aventures que Robert Moraine, ils ne participent pas vraiment du même univers, n’étant pas présent dans le récit d’Henri Vernet. C’est là une autre distinction fondamentale qui existe entre le roman de Denis Côté et ceux d’Henri Vernes. Côté ne reproduit donc pas intégralement la recette qui a fait le succès de Vernes auprès des jeunes. Son roman tient plus de l’hommage respectueux que de la parodie ou du pastiche même s’il ne manque pas de souligner le caractère entier et tout d’un bloc des personnages de Vernes. Seul son Robert Moraine prend ses distances avec le modèle original car il est rempli de doutes et manque d’assurance.

Si la première partie de La Pénombre Jaune se résume à de l’action pure, la seconde offre plus de matière à réflexion et c’est heureux. L’auteur cherche en effet à expliquer les phénomènes vécus par Robert Moraine et ses deux amis. Son hypothèse est intéressante. Il avance que les créations de l’esprit pourraient exister dans un univers qui n’entretient aucun rapport avec le monde de la réalité. Cette dimension de l’imaginaire à laquelle les artistes donnent vie serait tout à fait autonome. Or, il pourrait se produire à l’occasion que les deux univers se touchent et que des personnages fictifs se glissent dans la réalité. Le personnage de Bob Moraine constituerait en quelque sorte l’interface qui permet momentanément ici aux deux univers de communiquer.

Cette intuition remarquable de l’auteur sauve le roman. En effet – et c’est sans doute l’élément le plus intéressant et le plus pathétique du roman –, Bob Moraine vit depuis son enfance par procuration. Fasciné par le personnage fictif qui porte le même nom que lui, il cherche continuellement à reproduire ses comportements, ses attitudes. Il est complètement aliéné et il passe à côté de son existence en la modelant sur celle d’un personnage imaginaire. Robert est mal à l’aise dans sa peau et veut rompre cette dépendance néfaste sans y parvenir. Son destin est profondément tragique puisqu’il s’enferme dans une situation schizophrénique, dans un cul-de-sac psychologique. Et la fin, qui ne dissipe pas totalement le mystère sur la nature véritable de Robert Moraine, n’infirme en rien la thèse soutenue par l’auteur.

Néanmoins, l’explication avancée par Côté m’est apparue quelque peu décevante car elle reprend les grandes lignes de celle qu’il avait développée dans Les Parallèles célestes pour justifier l’apparition des extraterrestres et des soucoupes volantes qu’il considérait comme des manifestations de l’inconscient collectif. « Bertrand Meheust, un chercheur français, avait récemment démontré que tous les éléments constitutifs du phénomène OVNI, tel qu’il apparaît depuis 1947, avaient déjà été imaginés par des écrivains de science-fiction au début du siècle. Exactement comme si les produits de leur imaginaire avaient fini par se manifester dans la réalité » (p. 100-101).

La Pénombre Jaune est donc, en dernière analyse, un éloge de l’imaginaire humain et une réaffirmation du pouvoir absolu du créateur comme l’indique bien le résultat final de l’affrontement entre la Pénombre Jaune et son créateur, le seul véritable deus ex machina. [CJ]

  • Source : L'ASFFQ 1986, Le Passeur, p. 56-59.

Références

  • Anonyme, Protégez-vous, Jouets 87, p. 42.
  • Chartrand, Sébastien, Lurelu, vol. 37, n˚ 1, p. 95.
  • Demers, Dominique, Le Droit,15-11-1986, p. 60.
  • Gervais, Jean-Philippe, Solaris 66, p. 31.
  • Janoël, André, Nos livres, mars 1987, p. 24.
  • Langlois, Richard, Lurelu, vol. 19, n˚ 2, p. 18.
  • Marquis, Daniel, Des livres et des jeunes 27, p. 50.
  • Ouellet, François, Nuit blanche 26, p. 9.
  • Petit, Johanne, Lurelu, vol. 9 n˚ 3, p. 11-12.