À propos de cette édition

Éditeur
Les Quinze
Genre
Hybride
Longueur
Recueil
Format
Livre
Pagination
173
Lieu
Montréal
Année de parution
1990
ISBN
9782890264038
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[7 FA ; 9 HG]
Portraits d'Elsa
Mains-Maisons
Le Passocéan
Les Petites Filles modèles
Reviendrons-nous enfin à Saint-Gilles à la nuit tombante ?
Barrio San Telmo
Bleu
Le Manuscrit annoté par Pétrarque
Le Bain du Roi
L'Ours Gavamat
La Joute du Sarrasin
Histoire des suspendus d'Okaz
Histoire des grosses larmes du petit sultan Boabdil
Histoire du moine nu
Histoire de l'oiseau boulboul et du parfumeur juif
Histoire de Didem-au-Petit-Serpent et du musicien d'Alep

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Commentaires

Difficile de ne pas voir en Marie José Thériault une enchanteresse, initiée à des sciences dont le commun des mortels ne soupçonne même pas l’existence. Difficile de ne pas l’imaginer au fond d’une grotte obscure, revêtue d’une robe noire, à peine éclairée par les flammes bleuâtres qui rougissent la panse d’un chaudron en fonte où elle brasse, triture et mélange les ingrédients d’une recette connue d’elle seule. De la marmite s’élèvent des vapeurs folâtres ; Marie José Thériault, alchimiste du Verbe, nécromancienne de la langue, invoque les esprits des Muses ou peut-être des démons qu’elle a domptés ; elle les oblige à lui révéler des mots d’outre-monde, lui faire partager des visions supranaturelles. Elle jongle avec ces mots et ces visions comme s’il s’agissait d’objets bien concrets et, après avoir lu les contes envoûtants qu’elle en tire, qui donc oserait contester leur tangibilité ou leur magie ?

Portraits d’Elsa, quatrième recueil de celle qu’il faut appeler la Sombre Princesse des Lettres Québécoises, réunit une quinzaine d’histoires regroupées en trois sections (« Portraits d’Elsa », «Le Manuscrit annoté par Pétrarque », «Cinq histoires orientales ») et dont une bonne partie relève des genres qui nous intéressent ici. Dans le voisinage de quelques récits « réalistes », quoique plutôt étranges, on y trouvera des nouvelles de fantastique classique (« Le Passocéan », « Le Manuscrit annoté par Pétrarque », « La Joute du Sarrasin ») ou de facture plus moderne (« Reviendrons-nous à Saint-Gilles à la nuit tombante ? », « Bleu ») ; une variation sur un thème inuit (« L’Ours Gavamat ») que l’on pourrait considérer comme un discret hommage à l’œuvre du père Thériault ; et enfin, des contes merveilleux inspirés de la tradition orientale (« Histoires des grosses larmes du petit sultan Boabdil », « … de l’oiseau boulboul et du parfumeur juif », « … de Didem-au-petit-serpent et du musicien d’Alep ») dans la lignée de ces contes que l’auteure nous avait offerts dans son précédent bouquin. Le narrateur d’un des textes n’hésite d’ailleurs pas à faire un clin d’œil à L’Envoleur de chevaux (Boréal, 1986). On notera au passage le nombre sans cesse décroissant de textes de fantastique horrifique dans les recueils de Marie José Thériault (dans cette catégorie, on ne peut retenir que deux textes : « Le Manuscrit annoté par Pétrarque » et « La Joute du Sarrasin »), ce qui décevra un peu ceux qui, comme moi, s’étaient régalés de la délectable cruauté de certains textes de La Cérémonie (La Presse, 1979), comme la nouvelle éponyme de ce recueil ou « Les Cyclopes du jardin public ».

Un recueil éclectique, donc, comme c’est toujours le cas chez Marie José Thériault, et dont l’unité repose uniquement sur le style inimitable de l’auteure. Certains reprochent à Thériault son écriture classique, au parfum vieille Europe, son goût pour les mots inusités qui frise parfois la préciosité ; je préfère y voir le travail d’une orfèvre de la phrase, une esthète flaubertienne pour qui la musique des mots compte plus que tout autre chose. Une poétesse, quoi ! Des faiblesses dans ce recueil ? Bien sûr, personne n’est infaillible et il arrive à Thériault de se laisser obnubiler à un tel point par cette « petite musique » qu’elle en oublie l’histoire à raconter, les personages à faire vivre. Il va sans dire que ma préférence pour les nouvelles aux scénarios plus « construits » relève de critères purement subjectifs. J’aurai, dans cette livraison de L’Année…, abondamment parlé de ma conception très personnelle de la nouvelle idéale : un texte narratif qui ne sacrifie pas le plaisir du conte aux performances stylistiques ou vice versa. Plus souvent qu’à son tour, Marie José Thériault réussit à respecter cet idéal. Ses histoires, issues d’un imaginaire baroque fortement influencé par l’Orient des Mille et une nuits, narrées avec un vocabulaire aussi vaste que son érudition encyclopédique, évoquent l’œuvre exemplaire de Jorge Luis Borges dont Thériault est sans contredit la fille spirituelle. (Cela dit sans la moindre intention d’offenser la mémoire de son illustre père biologique.) [SP]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 187-189.

Références

  • Basile, Jean, Le Devoir, 16-03-1991, p. D-3.
  • Bélil, Michel, imagine…56, p. 134-135.
  • Bérubé, Renald, Dictionnaire des œuvres littéraires du Québec VIII, p. 706-707.
  • Grenier, Pierre, Solaris 96, p. 19.
  • Lévy, Bernard, Vice versa 34, p. 47.