Honoré Beaugrand est l’un des six écrivains du XIXe siècle à qui nous consacrons une présentation plus détaillée. Il doit sa sélection essentiellement au conte « La Chasse-galerie », qui a marqué l’imaginaire québécois plus que tout autre archétype, car sa production en fantastique demeure somme toute mince.

Le recueil La Chasse-galerie regroupe six contes qui ont été publiés initialement dans des journaux entre 1875 et 1892. Trois grands thèmes de la littérature fantastique du XIXe siècle y sont abordés : la chasse-galerie, le loup-garou et les revenants. L’auteur consigne ainsi des croyances populaires basées sur la contravention, sur la transgression des pratiques religieuses de l’époque.

L’origine de la chasse-galerie se perd dans la nuit des temps, mais il en existe diverses versions en Europe, particulièrement dans la mythologie nordique. Quiconque s’intéresse à ce sujet devrait consulter l’excellent essai de Brigitte Purkhardt, La Chasse-galerie, de la légende au mythe1, qui cerne la symbolique du vol magique dans ses différentes incarnations. Issue de la culture orale, la version de Beaugrand demeure la référence en matière de vol magique, l’amour et la fête étant ici les incitatifs de départ des bûcherons. L’homme de lettres est le premier à fixer dans une forme littéraire aboutie les codes qui régissent cette envolée en canot devenue aussi indissociable du mythe fondateur de la société québécoise que la conquête de l’Ouest peut l’être pour le peuple américain.

Par ailleurs, toutes les manifestations du fantastique à cette époque trouvent leur source dans la religion, de façon plus ou moins consciente. À l’évidence, le pouvoir clérical, s’il n’est pas à l’origine de cette culture populaire, n’a rien fait pour infirmer ces croyances qui, ultimement, renforcent son autorité. D’autant plus que la religion catholique, avec ses saints, le Diable et autres suppôts de Satan, a fourni un grand nombre de protagonistes de ces textes souvent édifiants.

Honoré Beaugrand est un conteur émérite qui sait raconter simplement une histoire sans se perdre dans des considérations étrangères à son propos. Et c’est quand l’écrivain ne fait plus qu’un avec le conteur qu’il signe ses meilleurs récits. Cela demande une humilité suprême car alors l’écrivain, s’effaçant devant son art, ne se considère plus que comme le simple dépositaire du récit que nous lisons. Honoré Beaugrand a eu cette humilité.


1 Purkhardt, Brigitte, La Chasse-galerie, de la légende au mythe, Montréal, XYZ (Théorie et littérature), 1992, 208 pages.

Œuvres

Auteur/autrice