À propos de cette édition

Éditeur
Logiques
Titre et numéro de la collection
Autres mers, autres mondes - 9
Genre
Science-fiction
Longueur
Collectif
Format
Livre
Pagination
148
Lieu
Montréal
Année de parution
1990
ISBN
2893810357
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[4 SF]
La Soustraction, de Bertrand Bergeron
Des brebis et des hommes, de Victor Frigerio
Les Hommes de nuit, de Marc Provencher
Une analogie de la vie éternelle, d'Alain Bergeron
Le Dernier Salon, de Georges Panchard (Suisse)

Commentaires

Jean-Marc Gouanvic nous propose cette année une troisième anthologie dans la collection Autres mers, autres mondes des éditions Logiques. Demain, l’avenir regroupe, comme dans les collectifs précédents, cinq voix de la science-fiction québécoise et étrangère. Au sommaire, des inédits d’Alain Bergeron, Bertrand Bergeron, Marc Provencher, Victor Frigerio (Torontois d’origine suisse) et Georges Panchard (Suisse).

Dans un court texte de présentation, Jean-Marc Gouanvic situe chacune des nouvelles, affirmant qu’entre elles, «...autour de la thématique commune de l’avenir social, se tisse un réseau de correspondances fines ». C’est à mon avis beaucoup prétendre. Au fait, les textes publiés résultent-ils d’une invitation, auprès d’auteurs, à l’exploration du thème de l’avenir social ou le thème a-t-il été choisi après coup ? (Ce thème est si vaste qu’il englobe une large part de la production de science-fiction…) L’exploitation d’une thématique commune, pour ce type d’anthologie, ne me paraît guère essentielle. Pourquoi proposerait-on à des auteur(e)s une contrainte de forme ou de “genre” ? C’est peut-être ce qu’il adviendra puisque Gouanvic termine sa présentation en invitant les satiristes à tâter de l’utopie…

Ma réserve concernant le thème/titre ne met nullement en cause la grande qualité des textes retenus : les écritures des cinq auteurs montrent que la science-fiction est propice à tous les entendements et qu’elle prête à de belles alchimies du verbe et de la forme. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse du collectif. Ainsi, dans une prose intimiste, Bertrand Bergeron reproduit les échos intérieurs d’une enfant malade. Dans cette nouvelle fragmentée et souple, l’avenir est marqué par l’incompréhension entre les êtres. Des murs se dressent, divisent, protègent et enferment. « La Soustraction » révèle une fine sensibilité et une rare aptitude à la transgression du linéaire dans le littéraire.

Dans « Une analogie de la vie éternelle », Alain Bergeron adopte un tout autre ton. Jean-Marc Gouanvic affirme avec justesse que la nouvelle évoque le premier roman de Bergeron, Un été de Jessica. L’auteur imagine cette fois un univers post-cataclysmique dans lequel androïdes et humains mènent un duel pour le moins étrange. L’enjeu ? La survie de l’espèce humaine, rien de moins. La vision pessimiste de l’avenir frôle l’absurde ; le drame côtoie agréablement la fantaisie.

La fantaisie est aussi présente dans le texte satirique de Victor Frigerio, « Des brebis et des hommes ». Sur un ton frondeur, l’auteur s’attaque au racisme, à l’intolérance. À la suite d’expériences, apparaît une race verte de moutons se nourrissant essentiellement de soleil. Et voilà que l’homme est atteint, et voilà que ça prolifère… Le vert permettra-t-il enfin à l’humanité d’accéder à l’égalité, à la prospérité et à la paix ? La nouvelle de Frigerio ajoute au recueil une teinte d’humour léger, sans plus, qui contraste avec le ton plus sévère de Georges Panchard dans « Le Dernier Salon ». L’avenir social imaginé par ce dernier porte les marques du silence et de l’oppression. Toute expression critique ou artistique découlant du langage verbal est interdite. Les êtres humains peuvent expenser (communiquer leur pensée par telemind) ou impenser (réflexion personnelle) mais difficilement parler.  Panchard nous offre une nouvelle intéressante, honnête, bien menée (intrigue policière), qui n’est pas sans évoquer l’oppression qui régnait dans le 1984 d’Orwell.

L’heureuse surprise du recueil est sans conteste « Les Hommes de nuit » de Marc Provencher. Voilà une nouvelle dense, riche, intelligente et tordue qui rappelle le célèbre « Aplatir le temps ». Provencher propose une vision anarchique de lendemains post-cataclysmiques, une vision baroque d’une société dépassée par le rythme étourdissant de sa propre expansion. Dans ce texte, les mots et les images surgissent de partout, éclatent sous l’effet d’une trop grande pression, et courent dans tous les sens. Comme si l’auteur ne pouvait suffire à colmater les fuites au passage de la plume… L’ornementation est généreuse, l’humour constant, l’imagination débordante et la critique savoureuse.

Demain, l’avenir est, tout compte fait, un ouvrage de qualité. Un texte de présentation plus développé/étoffé aurait toutefois été apprécié, d’autant plus que Jean-Marc Gouanvic possède une riche expérience à titre d’anthologiste, de même qu’une large connaissance de la science-fiction québécoise et étrangère dont aimeraient profiter les lecteurs et lectrices. [RP]

  • Source : L'ASFFQ 1990, Le Passeur, p. 95-97.