À propos de cette édition

Éditeur
Vents d'Ouest
Titre et numéro de la collection
Ado - 2
Genre
SFF
Longueur
Collectif
Format
Livre
Pagination
167
Lieu
Hull
Année de parution
1996
ISBN
9782921603249
Support
Papier
Illustration

Résumé/Sommaire

[2 SF ; 4 FA]
La Maison douleur, de  Francine Pelletier
Le Lapin, de Claude Bolduc
L'Envol des gargouilles, de Daniel Sernine
L'Ultime Niveau, de Michel Lavoie
Le Prix, d'Alain Bergeron
Icabod Icabod Crane, de Joël Champetier

Commentaires

Dans la courte préface de Claude Bolduc, l’auteur d’épouvante et anthologiste s’attarde sur le rapport qu’entretiennent les gens avec la peur. Si certains la fuient, d’autres la recherchent avec ferveur, surtout dans les livres. L’ouvrage collectif La Maison douleur et autres histoires de peur s’est donc donné comme mission de susciter des frissons de terreur chez ses lecteurs adolescents qui aiment « sentir dans leur cou le souffle glacé de l’angoisse, de l’inquiétude ».

Pour ce faire, cet ouvrage regroupe six textes inédits majoritairement écrits par des auteurs bien connus des aficionados des littératures de l’imaginaire. Chacune des contributions horrifiques appartient soit au fantastique, soit à la science-fiction. Nous retrouvons le maître de cérémonie, Claude Bolduc, ainsi qu’Alain Bergeron, Joël Champetier, Michel Lavoie, Francine Pelletier et Daniel Sernine.

L’équilibre science-fiction/fantastique est presque atteint, avec quatre nouvelles fantastiques (Bolduc, Champetier, Pelletier et Sernine) et deux de science-fiction (Bergeron et Lavoie). L’ordre du sommaire est d’ailleurs réfléchi, les textes s’enchaînant le plus souvent de manière fluide.

De plus, les auteurs et l’anthologiste ont pris le parti de privilégier réellement l’épouvante, ce qui n’est pas toujours le cas en littérature jeunesse, cette dernière ne tenant pas nécessairement ses promesses lorsqu’il est question de récits horrifiques. À titre d’exemple, la nouvelle éponyme, « La Maison douleur » de Francine Pelletier, est particulièrement intense, contenant entre autres cette image-choc d’un bébé cloué à un mur (élément qui, à l’origine, se trouvait en couverture du recueil et qui avait suscité une certaine polémique avant d’être retiré lors d’un second tirage). Il en est de même pour « Le Prix », d’Alain Bergeron, qui marque durablement la mémoire. Mais ce qui frappe avant tout dans cet ouvrage, c’est la qualité globale de tous les textes, qui remplissent indéniablement leur mandat de susciter l’angoisse.

J’avais eu l’occasion de lire La Maison douleur et autres histoires de peur à l’époque de sa parution, alors que je faisais à peu près partie du public cible. Ce recueil m’avait saisie par la puissance de ses images et de ses récits. Je dois admettre que mon impression n’a pas changé à la relecture, même si, avec le recul, deux nouvelles me semblent un peu jurer avec l’ensemble. Il s’agit de « L’Ultime Niveau », histoire de jeu vidéo malfaisant signée Michel Lavoie, récit plus ludique et moins horrifique que ses vis-à-vis, et de « Le Lapin » de Claude Bolduc, qui succombe de manière un peu trop frontale à son penchant pour l’humour par le biais d’un lapin rose géant qui sort de la télévision et dévore tout sur son passage. Mais comme ces textes sont placés en deuxième (Bolduc) et quatrième position (Lavoie), ils viennent d’une certaine façon équilibrer le tout.

Il faut dire que Francine Pelletier avait mis la barre haute avec l’histoire qui ouvre le recueil, « La Maison douleur ». Nous y suivons Lianne, récemment engagée à la maison des jeunes. Mais la demeure où elle travaille n’est pas ordinaire : depuis plusieurs générations, elle est la propriété des Narjic, famille accablée de malheurs, qui ont connu plusieurs guerres successives. Et le 11 novembre, « Jour du Souvenir », la maison se rappelle… Des descriptions saisissantes sont au rendez-vous dans cette contribution qui expose savamment les horreurs de la guerre. On se croirait presque dans cette ville bombardée par les missiles, auprès de Lianne, du dernier Narjic et des bénéficiaires de la maison des jeunes. Une belle idée bien menée, qui reste en mémoire.

« L’Envol des gargouilles » de Daniel Sernine est quant à elle une nouvelle dramatique qui met en scène Jules Vignal, pauvre garçon réduit à voler les riches de la Haute-Ville depuis l’accident de son père à l’usine. Alors que son sort est déjà peu enviable dans la froideur de février, ses malheurs vont redoubler. Il semblerait que les gargouilles de la cathédrale y soient pour quelque chose. Sernine propose comme à son habitude une nouvelle bien écrite, dans laquelle l’horreur revêt surtout des ramifications psychologiques. La montée dramatique est réussie et les motivations des protagonistes, crédibles. Sans oublier la belle atmosphère, un peu surannée, qui imprègne cette histoire.

Avec « La Maison douleur », « Le Prix » d’Alain Bergeron est sans contredit ma nouvelle favorite du collectif. Hormis le titre passablement banal, tout vaut le détour dans ce texte : la personnalité détestable, mais plausible d’un capitaine dévoré par ses envies de fortune et de gloire, le cadre de la Cité-pierre, la lente descente dans les souterrains… À la suite de son arrivée sur une planète peuplée par des êtres pacifiques qui ressemblent à des elfes, le capitaine se laisse convaincre par l’un d’entre eux d’emprunter le passage situé derrière une porte close. Son exploration des tunnels, au fur et à mesure que les décennies s’effritent, distille une atmosphère claustrophobe et horrifiante à souhait, sans compter les descriptions de sa déliquescence…

Finalement, Joël Champetier remporte aussi son pari avec sa nouvelle « Icabod Icabod Crane ». Icabod est le furet de Gabriel, un jeune garçon avec un retard intellectuel, que l’auteur rend avec brio (nul doute, Champetier connaît le domaine et a fait des recherches à ce sujet). L’horreur allie le fantastique (les rencontres de Gabriel avec son père décédé dans un centre commercial en compagnie d’autres adolescents) au récit noir (sans le savoir, le jeune homme vit dans la maison d’un criminel). La montée dramatique est adroitement conduite, à l’instar de celle de la nouvelle de Sernine, et possède de solides assises psychologiques. Cette histoire clôt le collectif avec force en nous faisant frissonner à l’idée d’être emmurés…

Pour conclure, La Maison douleur et autres histoires de peur atteint son objectif de présenter de l’horreur digne de ce nom aux jeunes lecteurs. En ce sens, il n’est pas étonnant que le livre ait été réimprimé en 2000… L’attrait pour la peur traverse les décennies ! Voilà donc une belle initiative de Vents d’Ouest qui publiait régulièrement à l’époque de tels ouvrages dont la quasi-disparition une vingtaine d’années plus tard ne peut que chagriner… [AG]

  • Source : L'ASFFQ 1996, Alire, p. 39-41.
     

NDR : La couverture présentée pour ce titre est celle de la réimpression de 2000. Nous avons placé la couverture originale, jugée excessive par la maison d'édition, en position de retrait.

Références

  • Anctil, Mélissa, imagine… 77, p. 98.
  • Desroches, Gisèle, Lurelu, vol. 19, n˚ 2, p. 27.