À propos de cette édition

Coauteur
Éditeur
Ashem Fictions
Genre
SFF
Longueur
Collectif
Format
Livre
Pagination
191
Lieu
Roberval
Année de parution
2000
ISBN
2922032132
Support
Papier

Résumé/Sommaire

[1 FA ; 8 SF ; 1 FY]
La Grande Roue, de Jacques Brossard
Mystères des pyramides, de Michel Lamontagne
Rêves de chiffres, de Jean Dion
La Raison du chien, de Serge Mailloux
Mon petit chaperon rouge, de Francine Tremblay
Tirés d'une même chair, de Jean-Louis Trudel
Les Âmes gelées, de Michèle Laframboise
La Mort sur Venise, d'Alain Bergeron
Ailleurs, de Daniel Sernine
Le Musée de l'impermanence, d'Élisabeth Vonarburg

Commentaires

 Si on met à part les trois nouvelles qui appartiennent à la fantasy et au fantastique, l’unité de ton de ce recueil est remarquable. On peut lire en filigrane dans les autres textes (qui appartiennent à la science-fiction) une profonde méfiance envers les tendances de la société actuelle (montée de la droite et popularité du néolibéralisme), quand il ne s’agit pas d’une critique directe comme dans la nouvelle de Michèle Laframboise, « Les Âmes gelées ». La pertinence de ce recueil n’est donc pas à démontrer. Il est même permis de considérer ces auteurs comme des visionnaires puisque la publication de ce recueil, différée de plusieurs mois, remonte à 2000 et que ces tendances n’ont fait que s’accentuer depuis ce temps. On dirait que chaque texte de ce collectif représente une étape dans ce qui pourrait constituer une Histoire du futur, en tenant évidemment compte du fait que chaque créateur possède sa vision propre. Ces lendemains peu scintillants sont tous sordides à des degrés divers mais on y rencontre néanmoins, que ce soit en avant-plan ou en toile de fond, les mêmes constats : les grandes entreprises disposent d’un pouvoir absolu ; les gouvernements, affaiblis ou anéantis, sont à peine mentionnés ; les seules lois sont celles du profit, du conformisme et de la soumission aux autorités. Cela est particulièrement évident dans la nouvelle de Jean Dion, « Rêves de chiffres ». Les responsables du collectif l’ont-ils fait exprès ? Je ne sais pas mais je suppose qu’il est normal que ces préoccupations modernes s’imposent à plusieurs auteurs évoluant dans le même climat socioculturel.

Bien que l’homme voyage dans l’espace, une impression de claustrophobie, de confinement et de privation de liberté traverse plusieurs de ces récits. L’héroïne de Sernine doit demeurer dans une bulle pour assurer sa survie. Les héros de Jean-Louis Trudel sont prisonniers de la station spatiale. Francine Tremblay imagine aussi une bulle de claustration qui représente celle de la pensée. Face à leur emprisonnement, les protagonistes ont des réactions diverses. Le héros de Tremblay se désole de ne pas pouvoir se conformer. Chez Sernine, l’héroïne veut fuir en un endroit plus beau même au prix de sa vie. Chez Trudel, c’est l’acceptation face à la mort des espoirs et des illusions ainsi qu’à la mort tout court. La colère et l’esprit de révolte grondent chez Michèle Laframboise. Vonarburg, elle, a une intéressante petite nouvelle, au thème très vonarburgien je dirais, dans laquelle des artistes consacrent toute leur vie à une œuvre et meurent avec elle. Ça aussi, c’est une fuite, un désespoir heureux.

Le texte de Trudel, à l’intrigue résolument non linéaire, est le clou, le pivot du recueil au centre duquel il est judicieusement placé. En ce récit semblent se concentrer tous les thèmes des autres nouvelles, par exemple le triomphe du capitalisme effréné pour qui même la matière humaine est une ressource exploitable comme les autres ou encore, le désir de fuite et de révolte qu’il est impossible de satisfaire pleinement. Cette seule histoire réunit une impressionnante quantité de concepts, dont tous paraissent réalisables dans un avenir plus ou moins lointain. Alain Bergeron, délicieusement ironique, clôt quant à lui le recueil, métaphoriquement sinon dans les faits. Sa nouvelle exhale la décadence, l’entropie, non pas nécessairement la fin de la civilisation mais la fin en tout cas de la variété alors que la présence d’une grande civilisation galactique (peut-être celle qui est en développement dans les autres textes) provoque le déclin et la mort de petites civilisations planétaires. Satire des effets de la globalisation peut-être ?

Les trois nouvelles qui paraissent atypiques par rapport au reste du recueil sont celles de Jacques Brossard, de Michel Lamontagne et de Serge Mailloux qui appartiennent à la fantasy ou au fantastique. Toutefois, l’espoir que conçoit l’héroïne de Serge Mailloux de pouvoir altérer la conclusion d’une ancienne légende s’apparente au penchant qui pousse le protagoniste du texte de Francine Tremblay à modifier (malgré lui) le déroulement des contes de fées, pour son plus grand malheur d’ailleurs.

René Beaulieu et Guy Sirois ont donc fait du bon travail, même les nouvelles un peu ratées ayant des thèmes grandioses et originaux qui leur donnent une certaine valeur. Ce recueil témoigne du degré de sophistication atteint par la science-fiction québécoise. C’est un ouvrage qui a sa place dans toute bonne bibliothèque. Dommage qu’il y ait cette horrible couverture qui ne rend pas justice au contenu. Le dessin est celui d’un astronef d’aspect phallique accompagné dans le coin droit d’une espèce de soucoupe volante. Cette illustration innommable conviendrait mieux à un recueil de textes ultraconventionnels et peu littéraires. La quincaillerie habituelle, astronefs et voyages spatiaux, est pourtant bien présente mais elle ne constitue plus comme autrefois le principal attrait, elle n’est que la fondation sur laquelle s’appuient des intrigues qui parlent en fait d’autre chose. [DJ]

  • Source : L'ASFFQ 2000, Alire, p. 14-15.

Références

  • Champetier, Joël, Solaris 134, p. 113-114.
  • Lafrance, Pierre-Luc, Ailleurs 1, p. 69-72.