Quatre Montréalais en l’an 3000, réédité par la suite sous le titre de Surréal 3000 qui convient davantage au sujet du livre, est le premier roman québécois de science-fiction écrit par une femme. En 1963, au moment de sa parution, l’éditeur cherchait plutôt à occulter ce fait en désignant par la seule initiale S. le prénom de l’auteur afin de ne pas révéler qu’il s’agissait d’une femme !

Auteure prolifique de livres jeunesse qui ont établi sa renommée, Suzanne Martel occupe une place dans la petite histoire de la science-fiction québécoise essentiellement pour Surréal 3000, même si elle a publié trois autres romans du genre. Avant d’expliquer en quoi son premier roman est si important, il est utile de préciser le contexte géopolitique dans lequel il a été écrit. Le début de la décennie 1960 est marqué par la guerre froide, qui atteint son point culminant avec la crise des missiles de Cuba en 1962. Le climat politique mondial très tendu est à l’origine de plusieurs œuvres québécoises de science-fiction présentant l’avenir sous un jour très sombre.

Quatre Montréalais en l’an 3000 se déroule un millénaire après la Grande Destruction. Si la prémisse est alarmante, cette distance par rapport à la catastrophe fait que les traces du traumatisme vécu par l’humanité se sont graduellement estompées et que l’espoir renaît. Les Surréalais ont survécu dans une cité souterraine qu’ils ont aménagée sous le mont Royal. L’auteure dépeint une société qui contrôle tous les aspects de la vie des gens, ceux-ci semblant d’ailleurs s’en accommoder, mais qui a tous les traits d’une dystopie lumineuse, pour reprendre l’expression de Daniel Sernine.

Outre le fait que le récit est clairement enraciné dans la topographie montréalaise, le roman de Suzanne Martel est important pour ce qu’il révèle, non de la société surréalaise en l’an 3000 et de ses innovations technologiques, mais de la société « québécoise » (entendre montréalaise) à l’époque où il a été écrit. On y retrouve plusieurs traits caractéristiques qui allaient être remis en question par la Révolution tranquille. Le principal attribut des femmes est encore d’être « l’épouse de… », la religion encadre la conduite morale des gens, et des valeurs conservatrices comme le devoir et le respect des traditions vont de soi. Bref, le présent (de l’auteure) est garant de l’avenir.

Quatre Montréalais en l’an 3000 est donc une œuvre ayant acquis avec le temps une portée sociologique qui justifie l’intérêt qu’elle peut susciter. Et, ce n’est pas rien, le roman a été traduit en anglais et en japonais quelques années plus tard.