Quand viendra le moment d’écrire l’histoire de la science-fiction au Québec, il faudra insister sur cet événement en apparence banal : la création du fanzine Requiem. Derrière cette initiative en milieu collégial, un homme, Norbert Spehner, alors professeur de littérature au Collège Édouard-Montpetit. C’était en 1974. Ce sont là les véritables débuts de la science-fiction au Québec. Le fanzine lancé par Spehner, qui ne devait durer que le temps d’un semestre ou deux, existe toujours et il est devenu, après quelques métamorphoses, la revue Solaris.

Reportons-nous à l’époque de la création de Requiem, un nom qui évoque davantage le fantastique que la science-fiction. Les années 1970 au Québec sont marquées par une effervescence sans pareil dans le milieu culturel. Plusieurs maisons d’édition voient le jour : les Éditions L’Aurore et Québec/Amérique en 1974, VLB éditeur en 1976, les Éditions JCL et Triptyque en 1977, La courte échelle en 1978.

Certes, la création d’un fanzine étudiant n’a pas la même envergure que la mise sur pied d’une maison d’édition, si modeste soit-elle. N’empêche. Si Requiem n’avait pas franchi le cap des cinq ou dix numéros, comme ce fut le cas de plusieurs fanzines par la suite, on n’en parlerait pas aujourd’hui comme d’une date historique. Encore qu’il s’agisse du premier véritable fanzine québécois de science-fiction et de fantastique. Et le principal mérite de Norbert Spehner, c’est d’avoir duré et d’avoir eu la clairvoyance de s’entourer d’un groupe de collaborateurs prêts à prendre la relève.

En plus d’avoir été l’animateur et le principal artisan de Requiem/Solaris pendant neuf ans (1974-1983), Spehner a dirigé aux Éditions Le Préambule les deux premières collections spécialisées au Québec : l’une en science-fiction, Chroniques du futur, et l’autre en fantastique, Chroniques de l’au-delà. Plus tard, il a publié deux bibliographies analytiques des études et essais écrits sur ces deux genres. Depuis une trentaine d’années, il se consacre aux littératures policières, dont il est devenu un spécialiste incontournable au Québec et dans la Francophonie grâce à ses essais et à ses chroniques.

Si Norbert Spehner n’est pas le père biologique de la science-fiction québécoise, il en est certainement l’accoucheur.