Maurice Gagnon a emprunté plusieurs avenues littéraires au cours de sa carrière d’écrivain : roman psychologique, roman policier, littérature pour jeunes, dramatiques. En science-fiction, sa production compte un ensemble de huit romans jeunesse, parus entre 1965 et 1968, et un roman plus ambitieux, Les Tours de Babylone.

La série Unipax, lancée par la maison d’édition Lidec la même année que celle d’Yves Thériault, Volpek, ciblait visiblement les amateurs de Bob Morane, le célèbre personnage créé par Henri Vernes en 1953. Mieux écrite que la série de Thériault, Unipax conjugue l’aventure et une science-fiction minimaliste qui s’appuie essentiellement sur une technologie à peine avant-gardiste. Les huit épisodes se déroulent sur la Terre et mettent en vedette une organisation secrète qui s’est donné pour mission de maintenir l’équilibre des forces sur l’échiquier politique mondial.

L’auteur met à profit son expérience d’officier de marine acquise pendant la Seconde Guerre mondiale. La ligne de commandement, la préparation des opérations d’intervention, l’organigramme de l’organisation, les moyens dont dispose Unipax, même l’esprit de corps qui repose sur les ressources d’un groupe davantage que sur les prouesses individuelles, tout rappelle le modèle militaire à la base de cette « agence » de paix. Il est manifeste que cette série a inspiré celle de Daniel Sernine, Argus, qui a démarré en 1979 avec Organisation Argus. Tout en partageant avec son aîné cette préoccupation pour la paix, Sernine a toutefois exploité davantage les possibilités offertes par la science-fiction (base secrète sur Érymède, pouvoirs paranormaux, technologie sophistiquée, etc.).

C’est dans le roman Les Tours de Babylone que s’expriment véritablement la prédisposition de Maurice Gagnon pour la science-fiction et sa vision humaniste. L’auteur nous transporte à la fin du XXIVe siècle, dans une société fondée sur des principes généreux et égalitaires mais fortement hiérarchisée et centralisatrice. Réflexion sur l’exercice du pouvoir et sur les dérives d’un projet collectif conçu au départ par des gens bien intentionnés, ce roman reflète la prise de conscience du personnage principal, un homme franc, loyal et incorruptible, militaire de surcroît – bref, emblématique de la figure du héros chez Maurice Gagnon. Sous le regard lucide de Sévère – le nom incarne admirablement les valeurs morales du personnage –, la société modèle de Babylone révèle progressivement ses failles et affiche tous les attributs d’une dystopie.

La série Unipax constitue un jalon historique dans la volonté des éditeurs québécois d’offrir aux jeunes lecteurs des romans d’aventures écrits par des auteurs du cru. Certes, Les Aventures étranges de l’agent IXE-13 ont défriché le terrain de la littérature populaire, mais l’incursion du feuilleton d’espionnage de Pierre Saurel dans la science-fiction – à peine 18 fascicules (n˚ 650 à 667) sur un total de 934 en vingt ans de parution (1947-1966) – demeure somme toute ponctuelle et marginale. À cet égard, la série de Maurice Gagnon possède une valeur historique indéniable, grâce à la rigueur et au professionnalisme dont a fait preuve l’auteur dans sa préparation et son écriture.