Pierre Chatillon

Pierre Chatillon est un écrivain discret et réservé, qui ne fait partie d’aucune chapelle littéraire. Sans doute serait-il lui-même étonné d’apprendre qu’il a écrit autant de nouvelles fantastiques – près d’une soixantaine –, réparties dans des revues littéraires et dans cinq recueils. Sans compter un roman fantastique, Philédor Beausoleil. De fait, la poésie est la véritable patrie d’adoption de Pierre Chatillon, un poète qui écrit des nouvelles.

Il y a chez lui une constance : dans la pratique de l’écriture, d’une part, dont la forme a peu changé depuis quarante ans, et dans la source d’inspiration, d’autre part, qui irrigue son œuvre tout entière dédiée à l’amour. Il s’en dégage par le fait même un parfum d’intemporalité malgré les manifestations de la vie moderne.

On pourrait croire que l’utilisation du fantastique chez Pierre Chatillon relève du hasard ou, du moins, qu’elle n’est pas préméditée. Obsédé par la recherche ou la nostalgie de l’amour, l’écrivain tente par tous les moyens de recréer les conditions qui permettront à ses divers avatars de connaître à nouveau cet état amoureux synonyme de bonheur et d’harmonie. Entreprise insensée visant à raviver le passé. Il est dans l’ordre des choses que ce désir romantique emprunte une avenue non réaliste, la voie du fantastique permettant ici les espoirs les plus fous et les épiphanies les plus improbables. Ainsi, plutôt que de générer l’angoisse, le fantastique représente dans ce cas précis un tremplin pour accéder à un autre niveau d’existence, à la plénitude amoureuse.

La quête de l’amour chez Pierre Chatillon, qui prend souvent les couleurs de la naïveté enfantine ou de la sentimentalité adulte, s’alimente la plupart du temps à la nature ou à l’art. Sous l’effet euphorisant de l’un ou l’autre philtre, les personnages de Chatillon, des êtres simples et banalement ordinaires, vivent des métamorphoses aussi singulières que dans les contes de fées. La Vie en fleurs, L’Enfance est une île, La Fille arc-en-ciel, trois titres de recueils de Chatillon, disent assez bien la source d’inspiration de l’auteur et la charge poétique de son œuvre en prose.

Absence d’angoisse malgré l’étrangeté des situations vécues par les personnages, relation fusionnelle de ceux-ci avec la nature ou l’œuvre d’art dans une apothéose sentimentale, écriture poétique qui transcende le cadre du quotidien, tous ces éléments font que le fantastique pratiqué par Pierre Chatillon occupe une place assez unique dans les lettres québécoises.