Bon sang ne saurait mentir ! Marie José Thériault est bien la fille de son père Yves. Son premier recueil, La Cérémonie, met en scène des personnages excessifs, qui vont au bout de leurs pulsions, dans un environnement âpre qui exacerbe les passions.

Là où elle se distingue de son père, par contre, c’est par l’écriture. Marie José Thériault est une remarquable styliste, comme elle le démontre plus particulièrement dans son roman Les Demoiselles de Numidie. L’écriture, extrêmement travaillée, somptueuse et poétique, emprunte un rythme ample et vaste qui convient parfaitement au sujet : la mer Océane et ses mystères, sa mythologie. Cette écriture ciselée lui permet d’aborder avec aisance également le conte oriental, qu’elle a visité à plusieurs reprises dans ses recueils L’Envoleur de chevaux et Portraits d’Elsa. C’est dire l’érudition de cette œuvre, qui entretient volontiers un dialogue avec l’art pictural.

L’apport principal de Marie José Thériault à la littérature fantastique réside cependant dans la volonté de l’auteure de mettre la femme au centre de son œuvre et dans son rapport à la sexualité. La femme n’est jamais une victime, elle est plutôt l’instrument par lequel se manifeste le destin. Multiple, elle peut être louve, vampire, tarentule, libellule, mais elle se définit d’abord par sa sexualité, pleinement assumée. À cet égard, la prose de Thériault contient des passages d’une sensualité et d’un érotisme dont l’audace n’était pas courante avant que n’apparaisse l’autofiction féminine.

Il en résulte un fantastique résolument féministe, qui situe la femme en tant que divinité au cœur d’une mythologie païenne et primitive, libérée de la conception judéo-chrétienne dissociant le corps de l’esprit. Figure bienveillante et lénifiante dans Les Demoiselles de Numidie, dont l’image centrale est un navire-fantôme, sorte de bordel flottant, la femme peut être aussi, chez Marie José Thériault, d’une cruauté implacable, comme l’illustrent « Les Cyclopes du jardin public », « Lucrèce » ou « Le Cordier de Syracuse ».

Avant les sœurs Dandurand, auteures de La Louve-garou, et avant Aude, Marie José Thériault a insufflé au fantastique une vision féministe très prégnante. Elle a su utiliser les mythologies anciennes et encore présentes dans les petites communautés figées dans leur atavisme pour régénérer le fantastique et le faire naître à la modernité. Cette revitalisation du genre a pu s’accomplir grâce à un élément essentiel, l’écriture, que l’auteure maîtrise avec une rare sensibilité.

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