Denis Côté a fait une entrée remarquée en littérature jeunesse en 1983, son premier roman, Hockeyeurs cybernétiques, récoltant deux prix : le Grand Prix de la science-fiction et du fantastique québécois et celui du Conseil des Arts du Canada. Ce roman, réédité sous le titre L’Arrivée des Inactifs, a par la suite servi de base, à la fin de la même décennie, à la série des Inactifs qui a redéfini les paramètres du succès de librairie en littérature jeunesse tant sa popularité s’est traduite par des résultats de vente inégalés jusqu’à l’apparition de la série Amos Daragon de Bryan Perro.

Dans l’ensemble, Denis Côté a connu beaucoup de succès avec les romans qu’il a écrits pour La courte échelle, au point qu’il a pu vivre uniquement de sa plume, privilège encore plus rare naguère qu’aujourd’hui. Publiant à la fois dans la collection Roman + et dans la collection Roman Jeunesse destinée à de plus jeunes lecteurs (la série Maxime), il compte une œuvre abondante dont plusieurs titres ont été traduits en espagnol, en italien, en mandarin…

Comment expliquer ce succès ? Denis Côté est, avec Daniel Sernine et Francine Pelletier, l’un des rares auteurs de science-fiction et de fantastique à écrire régulièrement pour les jeunes à cette époque. Les séries dans ce domaine – particulièrement en fantasy – ont fractionné le lectorat depuis le début des années 2000, alors que l’offre était beaucoup moins grande dix ans plus tôt. Mais, surtout, Côté a su toucher les jeunes lecteurs avec des sujets comme le vedettariat et le hockey, des sujets fortement ancrés dans la culture populaire du Québec, porteurs de rêves et d’un véritable sentiment identitaire. En outre, il possède un style efficace et simple qui, à certains égards, rappelle celui d’Henri Vernes. Admirateur du père de Bob Morane, Côté lui rend d’ailleurs hommage dans La Pénombre jaune, clin d’œil au diabolique personnage de l’Ombre jaune qui a terrorisé les années d’adolescence des baby-boomers.

Au-delà des thèmes consensuels que sont l’amitié, la protection des animaux, le respect de la différence, l’éthique scientifique et la justice sociale qu’elle aborde avec sensibilité, son œuvre constitue un éloge vibrant en faveur de l’imaginaire qui représente une dimension encore trop souvent sous-exploitée et méconnue. C’est ainsi que, dans Les Parallèles célestes, Côté réussit à renouveler le discours sur les OVNI et les extraterrestres en faisant appel à l’inconscient collectif qui modèle les représentations mentales plutôt qu’à des explications scientifiques. Le pouvoir de l’imaginaire est par ailleurs valorisé dans Un parfum de mystère (des créatures qui sont les produits des rêves des humains font irruption dans la réalité du jeune héros) et dans Nocturnes pour Jessie par l’évocation de Mirlande, pays de la beauté et de la justice auquel le héros, Jessie, et son amie Arianne rêvent d’accéder par un vieux coffre magique et qui sert de contrepoint au monde violent et corrompu de la mégapole Beyr.

Outre le fait que ce roman incarne de façon exemplaire le credo artistique de l’auteur, il affiche deux autres prises de position importantes et courageuses qui en font un œuvre d’exception. Denis Côté traite de façon frontale et sans romantisme le délicat sujet de la drogue en peignant le quotidien de Jessie et d’Hendrix quand ils sont en manque. De plus, il sert de médiateur entre la culture classique (Charles Dickens, les Nocturnes de Chopin auxquels le titre original fait écho) et la culture populaire représentée par le rock, seule forme de musique que connaissent les deux adolescents.

L’intérêt des romans de Côté réside moins dans les sujets eux-mêmes que dans la façon dont il les aborde, avec une ouverture d’esprit face à d’autres façons de penser, dans le respect des valeurs d’autrui. Cette attitude bienveillante s’applique même à plusieurs figures archétypales qu’il réhabilite, voire humanise : le vampire (La Trahison du vampire), la sorcière (Le Voyage dans le temps), l’extraterrestre. Chez lui, les solutions se trouvent souvent dans les ressources intérieures de l’individu, comme le découvre Michel Lenoir, héros des Inactifs, au moment de sa prise de conscience sociale devant l’injustice.

C’est vers ses nouvelles pour adultes, sans doute, qu’il faut se tourner pour découvrir un auteur aux idées plus tranchées qui ne craint pas la polémique, par exemple dans « 1534 », mordante satire du régime duplessiste. Avec le talent qu’il possède, que Denis Côté n’ait jamais réussi à publier un roman pour adultes malgré des tentatives en ce sens demeure un mystère.

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